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les ajustements y sont traités. 2° Tocqué a composé le Portrait en pied de feue Madtame la Dauphine, comme le meilleur peintre d’histoire aurait pu le faire. On pourrait dire de cet auteur ce que l’on disait de feu Rigaud, qu’il est né pour peindre les rois et les princes. On a cependant trouvé des tons noirs dans le coloris de ce tableau. Tournière, Nattier et Nonnotte ont tous fait des portraits dans leur manière, sans qu’aucun ait singulièrement attiré l’attention du public.

La sculpture n’a pas paru cette année avec avantage au Salon. Le seul morceau qui ait mérité l’estime des connaisseurs est une France personnifiée qui embrasse le buste du roi, par Falconet. L’esprit qui règne dans cet ouvrage développe tout ce qu’on peut attendre du génie de ce sculpteur encore peu connu. Il a su rendre avec une âme admirable, dans la France personnifiée, ces vifs sentiments de tendresse dont la nation est pénétrée pour le roi, mais il y règne plus de goût que de correction. On n’a pas vu au Salon, mais on voit dans l’atelier de M. Pigalle les figures de Vénus et de Mercure. L’auteur a choisi l’instant où Vénus engage avec tendresse Mercure à lui faire un message. La Vénus est noblement posée, le dessin en est élégant ; il tient de l’antique et rappelle bien la nature ; son caractère inspire la volupté. Mais une figure dont le sujet exigeait tant d’expression aurait dû avoir les prunelles des yeux marquées ; son regard en aurait été mieux décidé et elle en aurait eu plus d’âme. À l’égard du Mercure, il est regardé comme la figure la plus heureusement composée qui soit sortie de l’École française. Les anciens ont beaucoup vanté la beauté des mains et des pieds du messager des dieux ; aussi remarque-t-on que l’auteur a parfaitement répondu à l’idée qu’ils en avaient conçue. Cependant, quoique les muscles du dos soient rendus sans dureté, on les trouve d’un côté trop prononcés. La tête de cette figure est fine et exprime parfaitement la figure de ce dieu, mais elle paraît un peu trop jeune pour le corps. Le roi de France fait présent au roi de Prusse de ces deux excellents morceaux.

Il y a cette année au Salon d’excellents morceaux de gravure, et en quantité ; le détail de tout cela me mènerait trop loin.