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Les tableaux d’histoire qui ont reçu le plus d’applaudissements sont : 1° une Exaltation de la Croix, par Restout. On y trouve les bonnes et les mauvaises qualités de ce peintre : un bel accord et une parfaite intelligence du clair-obscur, mais un ton verdàtre ; 2° un Sujet pastoral, de Boucher : c’est un berger qui apprend à jouer de la flûte à une jeune bergère. Le caractère de la bergère est parfait ; mais le berger, par la délicatesse de ses traits, ne paraît pas tenir assez de son sexe ; 3° le Martyre de saint Ferréol, par Natoire. Le caractère du saint est très-beau, mais le tableau en général est traité d’une manière trop froide ; 4° le Martyre de saint Thomas de Cantorhery, par Pierre. L’expression de ce tableau est parfaite, mais il règne un ton trop noir dans les couleurs ; 5° le tableau de Joseph et Putiphar, de Hallé. C’est la plus belle chose qu’ait jamais faite ce peintre. Le sujet est traité d’une manière neuve et rendu avec toute l’expression possible ; 6° Oudry le père, si célèbre par ses animaux et ses paysages, a donné cette année un tableau de 11 pieds de large sur 8 pieds de haut, représentant une laie attaquée avec ses marcassins par des dogues de la plus forte race. Il y a un feu étonnant dans toute cette composition ; elle est rendue avec tant d’expression qu’on croirait entendre crier le marcassin qu’un des chiens tient dans sa gueule. Personne n’a jamais peint avec tant de vérité la nature vivante. Lorsque M. de Tournehem, directeur des bâtiments du roi, vit au Salon ce tableau, il demanda à qui il appartenait, et, sur ce qu’on lui répondit qu’il était à l’auteur : « Il est au roi, » repartit-il sur-le-champ, donnant à entendre qu’il le retenait pour Sa Majesté. Quelle manière ingénieuse d’encourager les artistes !

On s’était imaginé, il y a quelque temps, répandre plus de dignité et de variété dans les portraits en donnant des habillements historiques ou pastoraux aux objets que l’on avait à peindre. On est revenu de ce mauvais goût, et La Tour est le premier qui se soit fait une règle de peindre ses portraits avec les habits ordinaires. 1° Ce peintre a moins réussi cette année qu’il n’était dans l’usago de le faire. Il n’a pas assez varié l’attitude de ses portraits, et cette uniformité a beaucoup déplu. Son Portrait de la reine a pourtaut été regardé comme un chef-d’œuvre, tant par la ressemblance que par l’art avec lequel