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adressé une assez mauvaise pièce de vers au magistrat pour l’engager à préférer pour cela une colonne que Catherine de Médicis, la plus mauvaise de nos reines, avait fait construire pour y faire ses enchantements. La bizarrerie de cette idée a donné occasion à cette épigramme de M. de Bonneval :

La colonne de Médicis
Est odieuse à notre histoire ;
Pour en effacer la mémoire
On ne doit point être indécis.
Il faut être un hétéroclite
Pour vouloir y placer le roi :
C’est du vainqueur de Fontenoy
En faire un Siméon Stylite.


Ce Siméon Stylite était un saint extravagant qui a passé sa vie sur une colonne, dans je ne sais quel pays du monde.

— J’aurai l’honneur de vous rendre compte, dans ma première lettre, des ouvrages de nos peintres et de nos sculpteurs qui ont mérité de fixer, cette année, l’attention publique ; en attendant, voici une épigramme contre Voltaire, qui est encore de Bonneval :

J’ai vu ta statue au Salon :
Elle est, comme toi, maigre et blême ;
J’ai consulté ton Apollon,
Ce n’est pas l’effet du carême,
Mais bien de l’envie aux yeux creux,
Qui, dévorant ton cœur immonde,
Est le symbole de ces feux
Qu’on te prépare en l’autre monde.

— Je viens de recevoir deux mauvaises brochures sous le nom d’Amusement des fées. L’auteur a fait un dialogue tout à fait fade pour y enchâsser trois ou quatre petites comédies qu’il aurait données autrefois au Théâtre-Italien.

Zadig, ou la Destinée, histoire orientale#1, est un nouveau roman qui mérite quelque attention. Il n’y a point d’intérêt ; ce[1]

  1. D’après Beuchot et Quérard, Zadig aurait paru en 1747 ; mais comme Voltaire le fit d’abord imprimer pour des distributions particulières, il est assez vraisemblable que Raynal n’en ait eu connaissance qu’un an après.