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Piron, qui n’aimait ni n’estimait Voltaire, et qui, à tort, au moins dans un de ces deux points, m’entretenait un jour des chutes de cet auteur célèbre : « Au moins, lui dis-je, a-t-il eu la sagesse de supprimer les pièces qui ont échoué. — Et la folie, repartit-il, de faire imprimer celles qui ont réussi[1]. »

— Vous connaissez le Mathanasius, satire vive et agréable contre les recherches inutiles et pédantesques des commentateurs. Cette ingénieuse plaisanterie fut suivie des Antiquités de Chaillot[2], brochure pleine de sel et de finesse, où les choses auxquelles nos antiquaires donnent un si grand air d’importance, sont réduites à leur juste valeur. Il se répand depuis huit jours une mauvaise copie de ces deux ouvrages ; elle est intitulée le Voyage à Saînt‑Cloud[3]. L’auteur, en se rendant à ce village, qui est à deux lieues de Paris, fait des observations historiques, chronologiques, géographiques, etc., à la manière des vojageurs. L’auteur s’efforce inutilement d’être plaisant et spirituel, il n’est ni l’un ni l’autre. Il s’en faut que les Tavernier et les Chardin ne soient tombés en aussi bonnes mains que les Scaliger et les Monfaucon. Tout le mérite du Voyage de Saint-Cloud consiste en quelque espèce de gaieté, mais c’est une gaieté bourgeoise, et qui ne fera rire ni les gens polis ni les gens d’esprit.

— Crébillon a lu mardi dernier son Catilina aux comédiens, et on le donnera cet hiver. Riccoboni, acteur du Théâtre-Italien, a fait à cette occasion la mauvaise épigramme que vous allez lire :

Enfin te voilà sur la scène !
On t’attendait depuis vingt ans ;
Voyons si tu valais la peine
Que l’on t’attendît si longtemps.

— La ville de Paris cherche avec soin l’emplacement d’une place où l’on puisse mettre la statue du roi régnant. Gresset a

  1. Raynal a dejà cité cette repartie. Voir p. 123.
  2. Par La Feuille, 1736, in-12.
  3. Voyage de Paris à Saint-Cloud par mer et par terre. La Haye, 1748, in-12. Réimprimée en 1760 et 1762, avec le Retour à Paris par terre, de Lottin l’Aîné, cette facétie de Néel, si injustement appréciée par Raynal, a été reproduite avec illustrations dans le Magasin pittoresque. Elle a eu, en outre, deux rééditions, Paris, Daubrée, 1843, in-32, et Maillet, 1865, in-16.