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LE BARON DE GRIMM

tâche de présenter à ses élèves, et l’intention générale du meilleur des traités de morale pratique, et les détails où cette intention se trouve développée de la manière la plus lumineuse et la plus instructive, à l’usage des bons esprits de tous les siècles, mais très-spécialement à l’usage de la jeunesse romaine, appelée par les circonstances à l’exercice des premiers emplois de la république. Il semble que les idées puisées alors par le jeune Grimm, et dans cet immortel ouvrage, et dans les commentaires qui lui en avaient si bien fait saisir l’esprit, ont eu la plus grande influence, et sur ses principes, et sur la conduite de toute sa vie dans le monde.

Si je ne me trompe, c’est même avant d’avoir terminé le cours de ses études à l’Université de Leipzig que M. de Grimm, se livrant à ce délire poétique qui, dans la première jeunesse, a tant d’attrait pour toute imagination vive et passionnée, conçut le projet de travailler pour le théâtre, et composa une tragédie en cinq actes, intitulée Banise, qui, probablement, ne valait guère mieux que les tragédies qu’on faisait alors en Allemagne, mais qui n’en fut pas moins recueillie avec éloges dans le théâtre allemand du fameux Gottsched.

Je ne sais si c’est à cette espèce de succès qu’il dut l’avantage d’être choisi pour accompagner en France le comte de Friesen[1]. L’amitié qu’il avait inspirée à ce jeune seigneur allemand, dont l’esprit et le caractère étaient infiniment aimables, l’introduisit dans les plus brillantes sociétés de Paris. Le ton de ces sociétés, comme il me l’a dit lui-même, imposa d’abord excessivement à sa timidité, mais la finesse et la sagacité naturelle de son esprit n’en attirèrent pas moins l’attention de plusieurs des personnes qu’il eut le bonheur d’y rencontrer ; et dans ce nombre je dois distinguer d’abord M. le maréchal de Castries, Mme la comtesse de Blot, M. de Schomberg, qui ne cessèrent jamais de conserver pour lui la plus tendre estime.

Le tourbillon des plaisirs et des amusements de Paris,

  1. Auguste-Henri, comte de Friesen, neveu du maréchal de Saxe, obtint en France le brevet de mestre de camp et celui de maréchal de camp après le siége de Maestricht. Né en 1728. il mourut le 29 mars 1755, à peine âgé de vingt-sept ans.

    Les Mémoires de Besenval renferment de curieuses anecdotes sur lui et une très-jolie lettre datée de Dresde, moitié en vers et moitié en prose.