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réchal de Noailles pour gagner la reine d’Espagne. Cette princesse refusa opiniâtrement d’entrer dans les vues de notre cour. On a imaginé dans ce pays-ci que le maréchal, voyant la reine inflexible, avait déclaré qu’il allait commander en Italie les troupes de France, et qu’aussitôt cette princesse s’était rendue pour éviter un si grand malheur.

Le duc d’Ayen, méchant railleur, a exercé plus d’une fois sur son père ce dangereux talent. Ce jeune seigneur, étant à côté du roi à Fontenoy, vit porter un page du maréchal qui était blessé à mort : « Petit sot, dit-il, pourquoi as-tu quitté ton maître ? tu ne serais pas dans cet état. »

On disait devant le duc d’Ayen que l’impératrice avait beaucoup perdu en perdant Revenhuller : « Elle perdrait bien plus, ajouta-t-il, si elle perdait mon père ! »

Mme Le Prince, qui est connue ici pour beaucoup de mauvaises petites brochures, vient d’en publier une un peu plus passable sous le titre de Triomphe de la vérité[1]. Le sujet en est assez agréable ; il méritait de tomber en de meilleures mains. M. de Villette, jeune homme fort aimable, prend du goût pour Émilie, qui réunit les grâces, l’esprit et la vertu. À peine sont-ils mariés qu’ils viennent à reconnaître qu’ils pensent différemment sur la religion. Émilie admet la révélation. M. de Villette la combat comme un préjugé. Pour éclaircir sûrement la chose, ils se proposent de se retirer dans une solitude avec le premier fruit de leur union, de ne lui jamais parler religion, et de lui dérober la connaissance de tous les livres qui en traitent. Une fille unique les met en état d’exécuter leur dessein : à mesure que sa raison se forme, il naît dans son esprit une suite de ce que nous appelons premiers principes, qui mènent enfin à la nécessité de la révélation, et de là à la nécessité d’une Église infaillible. Tout ce livre n’est qu’un tissu de raisonnements les plus ordinaires, les plus communément exprimés.

— Il vient de paraître un écrit politique intitulé Intérêts de l’impératrice-Reine, des Rois de France et d’Espagne, et de leurs principaux alliés[2]. Cette brochure n’est que d’une trentaine de

  1. Le Triomphe de la vérité, ou Mémoires de M. de Villette. Nancy, 1748, 2 v. in-12.
  2. Inconnu aux bibliographes.