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Lorsque le premier maréchal de Noailles, père de celui d’aujourd’hui, fut mort, le cardinal son frère voulut le faire enterrer honorablement dans la grande église de Paris. En attendant que le mausolée fût prêt, on mit en dépôt le cadavre chez des religieuses. Cela donna occasion à ce dialogue :


Si NDans le couvent des capucines
Si NGisait le corps du maréchal,
Si NFrère du dévot cardinal.
« Ce morceau n’est pas pour semblables gredines,
Si NDit aussitôt la Vanité ;
Si Noailles fut mis où gît race royale,
Pour Noailles au moins faut une cathédrale.
Si NQu’en dis-tu, dame Humilité ?
— Je ne me mêle point de ce que vous faites,
Si NJ’évite les lieux où vous êtes ;
Les Noailles d’ailleurs sont gens à grand fracas.
Vous les connaissez tous, je ne les connais pas. »


Le premier maréchal de Noailles remporta en Catalogne une victoire comme malgré lui. Quelque temps après, le fameux maréchal de Luxembourg tomba dangereusement malade. Le P. Bourdaloue, jésuite, le premier prédicateur qu’ait eu la France, exhorta ce grand capitaine à la mort, et lui dit plusieurs fois qu’il ne devait pas tirer vanité de ses victoires. « Eh ! mon père, répondit ce général, comment en tirer vanité ? Noailles en remporte ! »

Comme le maréchal de Noailles, actuellement vivant, ne passe pas pour brave, on dit que, durant la bataille de Fontenoy, le duc de Biron changea trois fois de cheval, le maréchal de Saxe trois fois de chemise, et un de Noailles trois fois de culottes.

Lorsque le roi fut guéri de la grande maladie qu’il eut à Metz, on fit des réjouissances extraordinaires dans toute la France. M. de Noailles écrivit à la maréchale sa mère, qui vivait encore, de se distinguer dans cette occasion, mais de bien prendre garde au feu : « Mon fils, lui répondit-elle, vous pouvez vous en rapporter à moi ; je crains le feu autant que vous. »

Avant l’affaire d’Asti, il était sérieusement question d’un accommodement entre le roi de Sardaigne et la France. Comme la cour de Madrid n’y voulait pas consentir, on envoya le ma-