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teur de la comédie appelé Rousseau ; mais il y a été ajouté par Riccoboni le fils, un des acteurs de ce théàtre. Toutes les scènes sont d’un froid merveilleux. On a tâché d’égayer cette petite comédie d’un ballet parfaitement dessiné et exécuté : c’est en quoi les comédiens italiens excellent et font honte à l’Opéra, où la plupart des ballets sont sans imagination, sans feu et souvent sans exécution.


XXIX

M. le maréchal de Noailles a deux fils, le duc d’Ayen et le comte de Noailles. La femme du dernier a accouché d’un garçon. Le maréchal, qui est gouverneur de Versailles, a fait ordonner des feux de joie pour cette naissance. Tout le monde a été indigné ici de cette audace, et M. le duc d’Ayen, à ce qu’on prétend, a exprimé l’indignation publique par les vers un peu burlesques que vous allez lire :


Orgueilleux calotin, faux dévot de Noailles,
Frauduleux emprunteur, vrai zéro des batailles,
Osez-vous, Arlequin, affrontant tout Versailles,
Par la force extorquer des feux pour vos merdailles ?
Les sages ont gardé leurs bois et leurs futailles
Pour célébrer les fruits des dauphines entrailles
Ou pour se réjouir lors de vos funérailles.


Puisque j’ai commencé à vous parler des Noailles, je vais ramasser ici sur cette maison quelques particularités qui peut-être ne vous déplairont pas.

Lorsque le cardinal de Noailles, oncle du maréchal, fut fait archevêque de Paris, Mme la duchesse de Bourbon, fille naturelle de Louis XIV, adressa les vers suivants au roi :


Sire, votre bonne ville
Vous demandait un prélat ;
Votre Majesté facile
Ne nous a donné qu’un fat.
Tout Noailles est imbécile :
Ces visages d’Évangile
Ne servent pas mieux l’État
À l’église qu’au combat.