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état aux plus vils emplois qui en est l’auteur. Ces poésies, en second lieu, ne se ressentent en rien du climat qui les a produites.

Depuis longtemps, tous les ouvrages qui nous viennent d’au delà des monts sont remplis de raffinements d’afféterie. Les vers que je vous annonce sont ingénieux, vifs, naïfs, remplis de délicatesse et de naturel, dignes du siècle du Dante et de Pétrarque. On pourrait faire sur cela une observation. Il semble qu’il se fasse une circulation dans les lettres comme dans les plantes. Les Espagnols et les Italiens n’ont donné longtemps que des fleurs, ils donnent aujourd’hui des fruits. Nous, au contraire. Français, nous dégénérons ; nous avons commencé par des fruits, nous finissons par des fleurs, et même par des fleurs artificielles.

— On vient de publier le catalogue de la bibliothèque de feu M. Burette[1] ; elle est composée d’environ seize ou dix-sept mille volumes, et on l’estime près de 100,000 francs. Je ne crois pas qu’il y ait de particulier à Paris qui eût plus de livres rares, de belles reliures et d’excellentes éditions. L’auteur était médecin, et nous n’avons rien d’aussi exact dans la médecine que sa collection.

— Je viens de lire un Traité historique et politique du droit public de l’empire d’Allemagne[2], que M. Le Coq de Villeray vient de publier. C’est un in-4o d’une médiocre grandeur. Cet ouvrage, avant d’être publié, a été communiqué à M. Schœpflin, qui est beaucoup plus connu en Allemagne qu’en France, et on a eu égard à ses observations. Je ne suis pas assez instruit sur ces matières pour prononcer sur le mérite de cet ouvrage. Je ne puis juger que de la forme, qui n’est point agréable quoiqu’elle soit ordinairement assez méthodique. Les divisions nécessaires dans un livre de cette nature y jettent un air de sécheresse que l’auteur aurait dû au moins diminuer en mettant quelque agrément dans le détail. On trouve rarement des choses inutiles, et il paraît plutôt que, pour être trop concis, l’auteur s’est rendu obscur. Ce livre a eu le sort qu’ont dans ce pays-ci tous les livres utiles et sérieux : on n’en a point parlé, ou on n’en a parlé que pour le mépriser.

  1. Ce catalogue, rédigé par Gabriel Martin, forme 3 v. in-12.
  2. Paris, 1748, in-4o.