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thage, parce que avec cent fois moins de territoire elle a eu les mêmes richesses. Ce peuple haïssait ses anciens protecteurs, et servait la nation de ses anciens oppresseurs. Ce peuple, autrefois le rival et le vainqueur de l’Angleterre sur les mers, se jetait dans les bras de ceux mêmes qui ont affaibli son commerce, et refusait l’alliance et la protection de ceux par qui son commerce florissait. Rien ne l’engageait dans la querelle ; il pouvait même jouir de la gloire d’être médiateur entre les maisons de France et d’Autriche, entre l’Espagne et l’Angleterre ; mais la défiance l’aveugla, et ses propres erreurs l’ont perdu. »

J’ajouterai à ces tableaux le portrait des hommes célèbres qui ont bien servi la France.

M. de Saxe : « Ce général étranger, naturalisé par tant de victoires, aussi habile que Turenne et encore plus heureux, avait fait de la Flandre entière une de nos provinces. »

M. de Belle-Isle : « Un chef actif et prévoyant, qui conçoit les plus grands objets et qui discute les plus petits détails ; ce général qui, après avoir sauvé l’armée de Prague par une retraite digne de Xénophon, et avoir délivré la Provence, disputait les Alpes aux ennemis et les tenait en alarmes. »

M. de Richelieu : « Un génie brillant, audacieux, dans tout ce qui respire la grandeur, la hauteur et les grâces, cet homme qui serait encore distingué dans l’Europe quand même il n’aurait aucune occasion de se signaler. »

M. de Montmartel, le plus célèbre de nos financiers : « Il s’est trouvé un homme qui a soutenu le crédit de la nation par le sien, crédit fondé à la fois sur l’industrie et sur la probité, qui se perd si aisément et qui ne se rétablit plus quand il est détruit. C’était un des prodiges de notre siècle, et ce prodige ne nous frappait pas peut-être assez ; nous y étions accoutumés comme aux vertus de notre monarque. »

Le prince Edouard : « Le héros aussi admirable qu’infortuné qui aborda seul dans son ancienne patrie, qui seul y a formé une armée, qui a gagné tant de combats, qui ne s’est affaibli qu’à force de vaincre, aurait recueilli le fruit de son audace plus qu’humaine si la France avait eu une marine, et ce prince, supérieur à Gustave Wasa, ayant commencé comme lui, aurait fini de même. »

Tels sont les traits principaux d’un ouvrage qu’on peut et