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de la modération de ce prince dans les circonstances où se trouve l’Europe. Voici comme le panégyriste peint les ennemis de la France :

« Louis se trouvait engagé dans une guerre malheureuse que son conseil avait entreprise pour soutenir un allié qui, depuis, s’est détaché de nous. Il avait à combattre une reine intrépide qu’aucun péril n’avait ébranlée, et qui soulevait les nations en faveur de sa cause. Elle avait porté son fils dans ses bras à un peuple toujours révolté contre ses pères, et en avait fait un peuple fidèle, qu’elle remplissait de l’esprit de sa vengeance. Elle réunissait dans elle les qualités des empereurs, ses aïeux, et brûlait de cette émulation fatale qui anima pendant deux cents ans sa maison impériale contre la maison la plus auguste et la plus ancienne du monde.

« À cette fille des Césars s’unissait un roi d’Angleterre, qui savait gouverner un peuple qui ne sait point servir. Il menait ce peuple valeureux comme un cavalier habile pousse à toute bride un coursier fougueux dont il ne pourrait contenir l’impétuosité. Cette nation, la dominatrice de l’Océan, voulait tenir à main armée la balance sur la terre, afin qu’il n’y eût plus jamais d’équilibre sur les mers. Fière de l’avantage de pouvoir pénétrer vers nos frontières par les terres de nos voisins, tandis que nous pouvions entrer à peine dans son île ; fière de ses victoires passées, de ses richesses présentes, elle achetait contre nous des ennemis d’un bout de l’Europe à l’autre ; elle paraissait inépuisable dans ses ressources et irréconciliable dans sa haine.

« Un monarque qui veille à la garde des barrières que la nature éleva entre la France et l’Italie, et qui semble, du haut des Alpes, pouvoir déterminer la fortune, s’était déclaré contre nous après avoir autrefois vaincu avec nous. On avait à redouter en lui un politique et un guerrier ; un prince qui savait bien choisir ses ministres et ses généraux et qui pouvait se passer d’eux, grand général lui-même et grand ministre. L’Autriche se dépouillait de ses terres en sa faveur ; l’Angleterre lui prodiguait ses trésors ; tout concourait à la mettre en état de nous nuire.

« À tant d’ennemis se joignait cette République fondée sur le commerce, sur le travail et sur les armes. Cet État, qui, toujours près d’être submergé par la mer, subsiste en dépit d’elle et la fait servir à sa grandeur ; république supérieure à celle de Car-