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vengeance, et fit éprouver, peu de temps après, aux rebelles toutes les marques de sa clémence et de sa bonté.

Il répondait aux personnes qui lui proposaient de prendre un jour de la semaine pour se reposer : « Je le veux bien, pourvu que vous me donniez un jour où je ne sois pas évêque. »

M. Arnauld était si généreux qu’il était passé en proverbe que le meilleur titre pour obtenir des grâces de Mgr d’Angers c’était de l’avoir offensé.

Pour revenir maintenant aux Négociations de M. Arnauld, je vous dirai qu’elles roulent principalement sur les intérêts que la France avait à ménager vers le milieu du dernier siècle à la cour de Rome. Les papes n’étaient pas, il est vrai, alors aussi puissants qu’ils l’avaient été, mais leur crédit n’était pas tombé au point qu’il l’est aujourd’hui, et ils influaient encore assez dans les affaires générales. Le génie de cette cour ne paraît que médiocrement développé dans les Négociations de M. Arnauld ; je crois pourtant que si les traits de ce tableau étaient un peu rapprochés, on se formerait une idée beaucoup plus avantageuse de cet ouvrage. Tel est l’avantage d’une histoire bien faite sur des lettres originales, qu’on voit d’un coup d’œil ce qui peut le plus intéresser. Il y a nécessairement, dans les dépêches qu’on envoie aux ministres, un certain détail qui ennuie le plus souvent ceux qui le lisent, lorsque l’intérêt qu’on prend à la chose a diminué. M. Arnauld ne se borne pas à faire connaître la cour de Rome ; il fait de bonnes réflexions, plus judicieuses pourtant que profondes, sur les autres États d’Italie. Les questions que lui faisaient nos ministres, les plus habiles que nous ayons jamais eus, le mettaient sur la voie pour découvrir beaucoup de choses. Ils pensaient pour lui, ils voyaient pour eux. Après tout, les morceaux les plus précieux du recueil que je vous annonce sont des instructions données au négociateur par M. de Lionne. Ce sont autant de chefs-d’œuvre de savoir, de pénétration et de finesse. Je regarde M. de Lionne et M. de Torcy comme les deux ministres français qui aient jamais le mieux entendu les affaires étrangères.

— Il paraît un Panégyrique de Louis XV[1], que le public attribue à M. de Lafitau, évêque de Sisteron. C’est proprement l’éloge

  1. Par Voltaire. Barbier en décrit six éditions, publiées de 1748 à 1749.