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et qui n’eut qu’une représentation ; et il vient de publier un petit poëme sur la paix où il n’y a nulle netteté dans le plan, point d’élévation dans les pensées. Les images y sont le plus souvent burlesques, et les vers plats quand il veut les faire tendres, et durs quand il veut les rendre forts. Deux morceaux plus passables que les autres de cette poésie sont copiés l’un de Voltaire, l’autre de Despréaux. Voici un lieu commun qui m’a paru ce qu’il y a de plus passable dans l’ouvrage que je vous annonce :


Peuples, par des concerts et des cris d’allégresse,
Célébrez le retour de l’aimable déesse ;
Relevez ses autels, rendez-lui ses honneurs,
Et goûtez à l’envi le prix de ses faveurs.
Ô vous, jeunes beautés, qu’un nœud rempli de charmes
Attache à des guerriers, sujets de vos alarmes,
Des myrthes de Vénus parez-vous en ce jour :
Le règne de la paix est celui de l’amour.
Famille désolée, épouse languissante,
Et vous, fille craintive, et vous, mère tremblante,
Vous que le sort d’un fils, d’un père, d’un époux,
Sous les ordres de Mars retenus loin de vous,
Touchait d’une douleur aussi juste que tendre…[1]
Vous tous qui, par état, par honneur ou par choix,
Des fureurs de la guerre avez senti le poids ;
Vous, humbles laboureurs, et vous, race intrépide.
Du trône de vos rois appui ferme et solide,
Héros, reprenez tous, dans les bras de la paix,
Ce calme que loin d’elle on ne trouve jamais.


— J’eus l’honneur de vous annoncer les Mœurs dès qu’elles parurent, et le jugement que j’en portais alors ne paraît pas avoir été confirmé par l’idée qu’en ont les vrais connaisseurs. Le magistrat, en faisant brûler cet ouvrage, a, comme cela ne manque jamais d’arriver, augmenté la curiosité de le lire. Il en paraît aujourd’hui une critique assez bien écrite, mais qui n’est remplie que de choses étrangères au livre critiqué ou de choses communes qui n’avaient pas échappé aux lecteurs les moins éclairés. Cette critique est d’un certain Meusnier de Querlon,

  1. La Place n’a fait imprimer sa tragédie qu’en 1781, c’est-à-dire trente ans plus tard ; il y a fait des remianiements, car les vers que voici sont supprimés, l’un d’eux manque sur le manuscrit, et nous ne l’avons pas remplacé.