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tement ; il m’en a fait voir la possibilité. Il est ferme dans les nouvelles amitiés et vif dans les anciennes. Il a une intrépidité de raison qui étonne les plus philosophes, et une douceur de caractère qui charme les hommes les moins sociables. On trouve réunis en lui les trois genres d’esprit : l’esprit d’affaires, l’esprit de lettres, l’esprit de conversation. C’est un homme charmant, avec qui je voudrais être tout le temps que je ne puis passer auprès de vous. »

— Il y a quelque temps qu’il a paru dans les pays étrangers une Vie de l’abbé de Cgoisy[1], qui commence seulement à faire du bruit à Paris depuis quelques jours. Je ne puis comprendre ce qui a empêché ce livre de pénétrer plus tôt dans la seule ville de l’univers où l’on peut juger de sa vérité et où l’on peut avoir de l’empressement pour le lire. L’auteur partage cette vie en trois livres. Dans le premier, il ne parle que de la fureur qu’avait l’abbé de s’habiller en femme. Il est vrai, comme on le dit dans cette histoire, qu’il alla dans une de nos provinces sous le nom de la comtesse des Barres, où, sous prétexte de former les filles de ses amies, il eut des aventures assez agréables. L’écrivain qui nous donne cette histoire a ignoré un fait que je tiens de source. Il se fait dans quelques paroisses de Paris une assemblée tous les mois, où, après un discours de charité, on pourvoit, par une quête, aux besoins des pauvres. L’abbé de Choisy souhaita de se trouver habillé en femme à une de ces assemblées, et il engagea, à force de prières, le curé à y consentir. L’abbé arriva sous le nom d’une dame de province ; elle parla contre toutes les règles et, son discours fini, elle mit cent louis d’or dans la bourse de la quête ; l’émulation engagea les dames de Paris à donner plus qu’elles n’avaient accoutumé de faire, de sorte que cette bizarrerie valut aux pauvres plus de deux mille pistoles.

Le second livre représente l’abbé de Choisy passé de l’état de femme à celui d’apôtre. Tout le monde sait le voyage que fit ce voluptueux abbé à Siam, dans l’espérance d’y convertir le roi. La relation qu’il a donnée de son voyage est écrite de

  1. Vie de M. l’abbé de Choisy. Lausanne et, Genève (Paris), 1748, in-12. L’attribution de ce livre à l’abbé d’Olivet a été contestée. Les Aventures de l’abbé de Cfioisy habillé en femme ont été souvent réimprimées. La dernière édition est celle de Bruxelles, 1870, in-12.