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fraises sans dégoût, ni en manger sans ressentir des étouffements de chaleur. Son corps devenait ensuite tout rouge. Quelques heures après, il lui prenait une sueur abondante, laquelle le remettait dans son état naturel, et il ne lui restait plus que de la faiblesse et une sorte d’égarement d’esprit.

On a fait beaucoup de raisonnements sur toutes ces singularités, mais aucun ne satisfait un homme sensé. Je crois qu’on peut appliquer à tout cela l’épigramme de Martial :


Je ne t’aime point, Lycidas ;
Ne m’en demande point la cause,
Je ne puis te dire autre chose,
Sinon que je ne t’aime pas.


M. l’abbé de La Bletterie, auteur de l’excellente Vie de l’empereur Julien, vient de donner les ouvrages de cet homme singulier, et la Vie de Jovien. Ce qui nous reste de ce célèbre et odieux apostat se réduit à des lettres et à des satires. Les lettres ne contiennent qu’une philosophie platonicienne fort commune ; les satires ont un air de bizarrerie qui ne serait pas de notre goût ; d’ailleurs, elles font allusion à mille usages qui nous sont inconnus. Il est vrai que l’habile traducteur rappelle dans ses notes à peu près ce qui est nécessaire pour l’intelligence du texte, mais une plaisanterie est comme perdue quand, pour l’entendre, il faut avoir recours à un commentaire. La vie de Jovien est peu de chose. Julien entreprit une expédition contre les Perses, il mourut dans le cours de cette guerre. Jovien fut proclamé à l’instant empereur par l’armée, qu’il reconduisit sur les terres de l’empire. Pressé par l’ennemi dans sa retraite, il fit avec lui un traité honteux et lui abandonna plusieurs provinces de l’État qui l’avaient choisi pour maître. Voilà toute l’histoire du lâche Jovien.

Si vous souhaitez savoir ce que je pense de l’auteur de cet ouvrage, qui est un de nos plus célèbres écrivains, voici l’idée que je m’en suis formée. L’abbé de La Bletterie est exact ; on peut compter sur ses recherches et être sûr qu’on ne sera pas trompé. Comme il n’a pas la réputation d’être un trop bon croyant, il a affecté, dans ses livres, je ne dis pas de la religion, je dis une espèce de dévotion qui fait piiié ou qui fait rire selon