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dire devant Lisette qu’il voudrait attraper la galanterie la plus cossue… ; qu’il la paierait cent louis. « . Cent louis, dit Lisette, parlez-vous tout de bon ? — Oui, j’y suis déterminé. — Hé bien, je vous en tiendrai quitte à meilleur compte, répond Lisette ; tenez, vingt louis, et je vous promets… — Ah ! j’y consens, reprend Valère ; tu es jolie, c’est de quoi me dédommager. » Le marché est conclu, mais il faut écarter Frontin, valet de Valère, qui aime Lisette, qui la croit une vestale et veut l’épouser. On le met en sentinelle devant la porte de la chambre d’Isabelle où Clitandre est entré. Isabelle, qui ne peut plus supporter l’infidélité qu’elle fait à Valère, rompt avec Clitandre et sort pour voir Valère, qu’on lui a dit être de retour, afin de lui avouer tous ses torts. Frontin n’avait pas gardé la consigne. Il était ; sorti de son poste, et était allé faire un tour dans le jardin, où l’on juge bien qu’il trouva Lisette et Valère dans le parterre dont il ne fallait pas approcher de trop près pour savoir ce qui se passait entre eux. Il rentre ; aussitôt Isabelle lui demande où est son maître. Frontin lui dit pour toute réponse qu’il ne l’aurait jamais cru s’il ne l’avait vu, et tient plusieurs autres propos qui sont des énigmes pour Isabelle. Valère paraît, fait des reproches sanglants à Isabelle, mais elle le désarme par l’aveu le plus humble et le plus sincère. Elle lui dit qu’elle vient de congédier pour toujours Clitandre, et qu’elle se soumet à ce qu’il lui plaira ordonner de son sort. Valère honteux, interdit de son aventure avec Lisette, n’ose regarder Isabelle ; elle lui fait tant d’instance qu’il lui avoue à son tour le genre de vengeance qu’il lui préparait. Isabelle, à ces mots, n’hésite point, et pour prouver à Valère son parfait retour elle veut partager avec lui le fruit cuisant qu’il venait de cueillir dans le jardin. Pour Frontin, qui voit à quoi la bonne et sage Lisette est propre, il songe à rester garçon.

Cette sale comédie est de M. le comte de Caylus, et n’a point été jouée.

M. de Voltaire vient de quitter la cour de Lunéville, où il a été environ deux mois avec Mme la marquise du Châtelet et Mme de Boufflers. Il a fait des vers assez agréables où il compare le roi Stanislas à notre bon roi Henri IV, et la marquise de Boufflers à la belle Gabrielle d’Estrées, maîtresse de ce grand prince. Voici ces vers :