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L’auteur aurait pu jeter plus d’agrément, plus de chaleur et plus de variété dans ce roman. Son style est sec et quelquefois guindé ; on s’aperçoit même aisément qu’il lui a coûté beaucoup pour le rendre agréable et léger. Le commencement de son premier chant est obscur et diffus ; les descriptions qu’il fait des temples de l’Amour et d’Apollon n’ont rien de trop piquant. Au reste l’allégorie de ce poëme est très-bien suivie ; le but de l’auteur est de faire sentir combien est préférable un amour tendre et délicat, fondé sur les qualités du cœur, à cet amour d’instinct qui nous met, pour ainsi dire, au niveau du reste des animaux ; car aujourd’hui les liaisons de cœur se font singulièrement.

Yoici la façon d’attaquer et de se rendre, car la défense n’est pas permise. Un jeune homme donne la main à une femme au sortir d’une promenade ou d’un spectacle. On veut reconnaître son attention ; on le prie à souper. Il refuse ; on le presse, il se rend. La politesse exige de la part du convive qu’il rende une visite à la dame dès le surlendemain au plus tard. Il arrive. Le jeu n’est pas encore arrangé ; on donne à tirer. L’honneur est dû à l’étranger ; il fait la partie à madame. À propos de boston et de manille on dit mille petits jolis riens. La galanterie veut qu’un homme perde son argent, au moins la première fois. Les distractions volontaires dont madame est l’objet lui en facilitent les moyens. On le badine, mais on le plaint. On l’invite à venir prendre sa revanche un autre jour ; il n’a garde d’y manquer. Il trouve madame seule, occupée à faire de la tapisserie. Cette heureuse solitude fournit matière à tous les menus propos galants qu’on retourne de cent et cent façons ; une pelote tombe, on se baisse vite pour la ramasser, mais on est plus longtemps à la tronver parce que chemin faisant on admire le plus joli petit pied du monde. L’éloge du pied conduit insensiblement à celui de la main, dont on admire la blancheur, l’adresse et la légèreté. Les grâces ne manient pas l’aiguille avec autant d’art. Tout en causant, on baise cette main sans que la dame s’en aperçoive. Cette conversation intéressante fiit parce qu’il faut habiller madame. On sort, mais avec promesse de se revoir. On lie une partie de souper chez des amis communs où l’on veille fort tard. Ce souper incommode. Il est naturel d’aller s’informer de la santé de la personne à laquelle on prend intérêt. On y va ;