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lorsque les Turcs déclarèrent la guerre à la Perse. Thamas-Shah marcha contre eux, les battit, et leur céda pourtant, par un traité honteux, leurs conquêtes. Thamas-Kouli-Khan profita de la haine que cette démarche avait inspirée au peuple pour leur souverain ; il le fit détrôner, confiner dans une citadelle, et tira le fils de Thamas-Shah du berceau pour le mettre sur le trône, sous le nom de Shah-Abbas. Ce roi enfant ayant fait trois ou quatre cris par intervalles, Thamas-Kouli-Khan demanda aux assistants s’ils entendaient ce que voulait le nouveau roi. Quelques-uns d’entre eux ayant répondu qu’apparemment il demandait à téter, il leur dit la première fois : « Vous êtes des ignorants ; pour moi, qui ai reçu de Dieu le don d’entendre le langage des enfants, j’entends qu’il nous redemande les provinces que les Turcs ont envahies : oui, mon prince, ajouta-t-il en touchant la tête de l’enfant, nous irons bientôt tirer raison du sultan Mahmoud, et, s’il plaît à Dieu, nous vous ferons manger des raisins de Scutari et peut-être de Constantinople. » Il dit la seconde fois que le prince demandait une place pour les Persans à la Mecque, et chaque fois il promit au prince d’exécuter ses ordres. Dès lors, on entrevit les vastes projets qu’il a exécutés depuis. Thamas-Kouli-Khan, s’étant fait d’éclarer régent du royaume, demanda aux Turcs et aux Moscovites la restitution des provinces dont ils s’étaient emparés. Les Moscovites se firent un mérite de restituer ce qu’ils ne pouvaient conserver, et on arma pour y forcer les Turcs. Ses succès à la guerre lui facilitèrent le chemin du trône. Il força, par le moyen des troupes, les États à l’élire roi, sous le nom de Nadir‑Shah.

La première chose que fit le nouveau roi fut de dépouiller de leurs biens les ecclésiastiques nommés Mollahs. Il fit appeler les principaux et leur demanda quel usage ils faisaient des richesses immenses dont ils étaient en possession. Un des plus hardis d’entre eux, voyant les autres embarrassés, répondit que ces biens étaient employés, selon l’intention du donateur, à des œuvres pies, que l’autre servait à la subsistance des malades, qui priaient Dieu sans cesse pour la prospérité du roi et pour celle de tout le royaume. Nadir-Shah répliqua que leurs prières étaient visiblement inutiles, puisque la Perse avait été si longtemps en proie à leurs ennemis, ses rois déposés ou errants, et les peuples accablés de maux ; qu’il n’était pas moins évident