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sentit bientôt tout le mérite de Nadir-Koul. Il le chargea d’une expédition importante, avec promesse de le faire nommer son lieutenant, par la cour, s’il réussissait. Le roi, informé du succès du jeune aventurier, le négligea et ne lui accorda point la place promise. Nadir-Koul, rebuté par ces injustices, quitta le service et se retira dans sa province, où il ne put jamais engager son oncle à lui rendre son patrimoine. Outré de douleur de se voir ainsi traité, il ramassa une troupe de bandits, attaqua et détroussa les passants, et par là, muni d’armes et de chevaux, il se vit bientôt en état de tenir la campagne. Les désordres qu’il commettait dans les provinces firent bientôt porter des plaintes à Thamas-Shah, qui, se trouvant alors dans ces quartiers‑là, le fit prendre. Lorsque Nadir-Koul parut devant lui, le prince lui demanda d’où il était, qui il était, et pourquoi il s’était engagé dans un genre de vie si infâme. Nadir-Koul répondit : « Voyant la Perse subjuguée par Mahmoud, l’État sans roi et mes biens envahis par mes parents, j’ai été réduit à la nécessité de prendre cette voie pour subsister. » Thamas-Shah, offensé de cette réponse, le condamna sur-le-champ à la bastonnade à mort. Mais, après quelques moments de réflexion, il trouve la réponse de Nadir-Koul pleine de courage, juge qu’il en peut tirer de grands secours, et révoque sa sentence avec ordre d’arrêter l’exécution s’il est encore en vie. Lorsque la grâce arriva, l’exécution était fort avancée ; on trouva cependant encore quelques signes de vie à Nadir-Koul : il fut pansé heureusement, et, après sa guérison, il fut présenté au prince qui, oubliant le passé, lui fit de beaux présents, l’attacha à son service, et lui donna le nom de Thamas-Kouli, c’est-à-dire serviteur de Thamas. Ce fut le premier degré d’élévation de cet homme extraordinaire, qui mériterait les plus grands éloges s’il n’avait pas manqué de fidélité à son roi et de reconnaissance pour son bienfaiteur.

Dans le temps que Thamas-Kouli-Khan entra dans le service, les Afghans avaient conquis presque toute la Perse. Le jeune guerrier se met à la tête des troupes de son légitime maître Thamas-Shah, et, poussant les conquérants de ville en ville, de province en province, il les conduisit jusqu’à Ispahan, et, par une suite de brillants succès, il vient à bout de purger la Perse de ses tyrans.

Thamas-Kouli-Khan était encore à la poursuite des Afghans,