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grande idée de nos médecins, a engagé M. Geoffroy, le plus célèbre de nos apothicaires, et M. Morand, le premier de nos chirurgiens, à faire des formules de pharmacie qu’on fût obligée de suivre dans tous les hôpitaux militaires. M. Helvétius, premier médecin de la Reine, vient de publier un examen de ces formules qui est fort bien fait[1]. Il démontre que, quand les remèdes des formules seraient bien choisis, ce qui n’est pas, il serait très-dangereux de s’y confirmer universellement, parce qu’il faut d’autres remèdes dans les pays froids que dans les pays chauds, dans les climats humides que dans ceux qui sont secs, pour les vieux soldats que pour les jeunes, à la fin de la campagne qu’au commencement, etc. Les deux partis remuent fort leurs amis à la cour et à la ville pour gagner leur procès. Ceux qui sont un peu au fait de ce pays-ci savent bien que l’intrigue influera au moins autant que la justice dans la décision de cette importante affaire.

— La lecture que je viens de faire des derniers discours qui ont été lus à l’Académie francaise, a confirmé le jugement que j’en avais porté, lorsque je les entendis prononcer. Je crois avec tout le monde que ces harangues ne sont pas faites pour le commun des hommes, et qu’il n’y a que trente-neuf élus et le complétant qui les entendent. Celui de Gresset est falbalisé, enluminé, découpé à peu près comme un poupée à la Duchap[2]. Le remerciement de M. d’Argenson a été jugé en dernier ressort de la simple déclamation. C’est un vrai squelette dont on conterait aisément les côtes. Quant à la réponse de M. de Boze, elle est regardée constamment comme un conte de ma mère l’oie.

— Il parait depuis quelques jours un livre intitulé les Poissons[3], dont un exemplaire, m’a-t-on dit, a été vendu vingt louis d’or. Je ne sais ce qu’il contient, parce qu’il est encore extrèmement rare, mais ce titre me paraît avoir une analogie intime avec certains noms de personnes bien connues aujourd’hui. Tout le monde sait que le père de Mme de Pompadour s’appelle Poisson. On

  1. Lettre de M. Helvétius, conseiller d’état, etc., à MM. les doyens des facultés de médecine et des collèges de médecins de France au sujet des formules de médecine pour les hôpitaux mulitaires. 1747, in-4.
  2. Célèbre marchande de modes.
  3. Nous n’avons pu trouver trace de cette satire. On appelait couramment Poissons les chansons centre la favorite et sa famille.