un officier lui commanda de ne point laisser cet endroit sans gabion. Le soldat dit : « J’irai, mais j’y serai tué. » Il yalla et, en posant son quatrième gabion, il eut le bras fracassé d’un coup de canon. Il revint à son officier, soutenant son bras pendant avec l’autre bras et se contenta de dire froidement à l’officier : « Je l’avais bien dit. »
Au même siège, le comte de Lemos, fils d’un grand d’Espagne, demanda quartier à un grenadier français et lui promit cent pistoles, lui montrant même sa bourse où il y en avait trente-cinq. Le grenadier qui venait de voir tuer le lieutenant de sa compagnie, ne voulut point faire de quartier et tua l’Espagnol. Les ennemis envoyèrent demander le corps, qui leur fut rendu. Le grenadier rendit aussi les trente-cinq pistoles qu’il avait prises au mort, en disant : « Tenez, voilà son argent dont je ne veux point. Les grenadiers ne mettent la main sur les gens que pour les tuer. »
— Le goût de la comédie et de l’opéra est devenu général. On en représente partout, et on compte dans Paris jusqu’à cent soixante sociétés qui ont des théâtres. Vous jugez bien que celui des petits appartements du Roi est le plus brillant. Les acteurs qui y ont acquis le plus de célébrité sont Mme de Pompadour et les ducs de Duras et de Nivernois ; voici les vers que le poëte Roy a fait pour la clôture de ce théâtre :
D’un peuple de héros le maître et le modèle,
Toujours avide de travaux,
Entend Bellone qui l’appelle ;
Il va partir, il vole à des succès nouveaux.
Doux plaisirs, de sa présence
Osez encor profiter,
Charmez son impatience
Sans espoir de l’arrêter ;
Aimables filles de mémoire,
Chères délices de la cour.
Vous qui partagez tour à tour
Les moments qu’il rend à la gloire,
À peine vous aurez jusques à son retour
Le temps de préparer tous vos chants de victoire.
— M. de Moncrif, de l’Académie francaise, est l’auteur de l’Histoire des chats. L’ouvrage le plus célèbre de M. Gresset,