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NOUVELLES LITTÉRAIRES

occasion au fameux mot de Benserade, où le double sens est visible : « Si quelqu’un, dit-il à Racine, pouvait prétendre à enterrer Corneille, c’était vous, cependant vous ne l’avez pas fait. »

Comme Boileau n’était pas aimé à l’Académie, on se déclarait contre ses sentiments. Un jour cependant, il fut victorieux, et quand il racontait cette histoire, il ajoutait en élevant la voix : « Tout le monde fut de mon avis, ce qui m’étonna, car j’avais raison, et c’était moi. »

La Fontaine était l’homme du monde le plus simple. On lui persuada d’aller dans sa province pour se réconcilier avec sa femme. Il part de Paris dans la voiture publique, arrive chez lui et la demande. Le domestique, qui ne le connaissait pas, lui répond que madame est au salut. La Fontaine va tout de suite chez un ami qui lui donne à souper et à coucher et le régale pendant deux jours. La voiture publique retourne à Paris, il s’y met et ne songe plus à sa femme. Quand ses amis de Paris le revoient, ils lui demandent s’il est réconcilié avec elle : « J’ai été pour la voir, leur dit-il, mais je ne l’ai pas trouvée, elle était au salut. »

Boileau s’amusait à jouer aux quilles. Il excellait à ce jeu et il les abattair souvent toutes les neuf d’un seul coup de boule : « Il faut avouer, disait-il à ce sujet, que j’ai deux grands talents, aussi utiles l’un que l’autre à la société et à un État, l’un de bien jouer aux quilles, l’autre de bien faire des vers. »

La compagnie qui suivit Boileau au tombeau était fort nombreuse, ce qui étonna une femme du peuple qui s’écria : « Il avait beaucoup d’amis, on assure cependant qu’il disait du mal de tout le monde. »

Racine racontait, quand il voulait rire, qu’un médecin lui ayant défendu de boire du vin, de manger de la viande, de lire, et de s’appliquer à la moindre chose, ajouta : « Du reste, réjouissez-vous. »

Racine raconte qu’au siége de Namur, un soldat, qui était de tranchée, y avait porté un gabion ; un coup de canon vint qui emporta son gabion. Aussitôt il alla en chercher un autre qu’il posa à la même place, et qui fut sur-le-champ emporté par un autre coup de canon. Le soldat, sans rien dire, en prit un troisième et l’alla poser ; un troisième coup de canon emporta encore ce gabion. Alors le soldat rebuté se tint au repos, mais