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il, nous en reparlerons, livrons-nous aujourd’hui à notre joie. » Elle lui représenta qu’il devait, en arrivant, réprimander cet enfant, et continua ses plaintes, lorsque l’avare Boileau, qui dans son étonnement se promenait à grands pas, perdit patience et s’écria : « Quelle insensibilité ! peut-on ne pas songer à une bourse de mille louis ? »

Le grand Colbert étant un jour enfermé avec Racine et Boileau dans sa belle maison de Sceaux, on vint lui annoncer l’arrivée d’un évêque : il répondit avec colère : « Qu’on lui fasse tout voir, excepté moi. »

Louis XIV voulait que Racine et Boileau, chargés d’écrire son histoire, le suivissent à l’armée pour être témoins des actions qu’ils devaient raconter. Racine y ayant manqué, le roi lui en fit des reproches : « Sire, lui répondit le poëte, je n’avais que des habits de ville quand vous êtes parti ; les villes que vous avez assiégées ont été prises plus tôt que mes habits n’ont été faits. »

La veille du départ de Racine et de Despréaux pour leur première campagne, Cavoye, qui était maréchal des logis, s’avisa de demander à Racine s’il avait eu l’attention de faire ferrer les chevaux à forfait. Racine, qui n’entendait rien à cette question, lui en demanda l’explication : « Croyez-vous donc, lui dit Cavoye, que quand une armée est en marche elle trouve partout des maréchaux ? Avant de partir on fait un forfait avec un maréchal de Paris, qui vous garantit que les fers qu’il met aux pieds de vos chevaux dureront pendant six mois. » Racine répond : « C’est ce que j’ignorais, Boileau ne n’en a rien dit, mais je n’en suis pas étonné, il ne songe à rien. » Il va trouver Boileau pour lui reprocher sa négligence. Boileau avoue son ignorance et dit qu’il faut promptement s’informer du maréchal le plus fameux pour ces sortes de forfaits. Ils n’eurent pas le temps de le chercher. Le soir même, toute la cour rit de la plaisanterie.

C’est un usage à l’Académie que le directeur fasse faire à ses dépens un service aux académiciens qui meurent dans le temps qu’il est en place. Corneille mourut le jour que l’abbé de Lavau finissait son temps, et il fut enterré le jour que Racine entra en charge. Chacun des deux directeurs prétendait avoir honneur de rendre les derniers devoirs à un homme si illustre. L’Académie décida en faveur de l’ancien directeur, ce qui donna