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NOUVELLES LITTÉRAIRES

de philosophie, mais obscure, durement écrite et d’un goût détestable.

Danchet était un homme simple, obligeant, poli et même gracieux ; il était beaucoup plus aimé qu’estimé. Il a passé sa jeunesse à faire de mauvaises tragédies. Il a mieux connu son talent dans la suite. Il a fait des opéras pleins de cette douceur, de cette mollesse, de ce sentiment, qui conviennent si bien à la poésie lyrique. Ses deux meilleurs ouvrages en ce genre peu estimé sont les Fêtes vénitiennes et Tancrède. Danchet, quoique homme médiocre, est arrivé à tout dans la littérature, parce qu’il a eu l’avantage d’élever le neveu de M. l’abbé Bignon, qui était l’âme de la littérature française et le dispensateur des grâces.

M. de Paulmy a contre lui la figure et la physionomie, et même les dispositions du public, qui le croit malin et dur. Les gens qui le connaissent mieux prétendent qu’il a beaucoup de pénétration pour les affaires et qu’il connaît très‑bien les intérêts de l’Europe, science extrêmement négligée parmi nous. Il est destiné à l’ambassade de Suisse.

Gresset est tel qu’on l’imagine en lisant ses ouvrages : honnête homme, voluptueux et facile. C’est, sans contredit, le premier homme que nous ayons après Voltaire. Il serait fâcheux qu’il imitât la plupart de nos académiciens, qui ne font plus rien dès qu’une fois ils ont reçu la récompense de ce qu’ils ont fait. Piron a fait à ce propos une jolie épigramme que je vous envoie :

En France on fait, par un plaisant moyen,
Taire un auteur quand d’écrits il assomme ;
Dans un fauteuil d’académicien,
Lui quarantième, on fait asseoir cet homme.
Lors il s’endort, et ne fait plus qu’un somme :
Plus n’en avez phrase ni madrigal.
Au bel esprit ce fauteuil est, en somme,
Ce qu’à l’amour est le lit conjugal.