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NOUVELLES LITTÉRAIRES

connus depuis longtemps, l’Avis à son fils et à sa fille. L’Europe entière a prononcé depuis longtemps qu’avec leurs défauts ces deux morceaux étaient d’un grand prix. Voici ce qui m’a paru de ce qu’on vient de publier pour la première fois. On lit à la tête du recueil un abrégé de la vie de Mme de Lambert, que l’on doit à M. de Fontenelle. Il est aisé de reconnaître dans ce portrait le pinceau léger et brillant du célèbre auteur des éloges de tant de savants. Le Traité de l’amitié n’a point l’air original, le début en est bizarre et n’est point lié avec ce qui suit. Un des défauts de Mme de Lambert est de ne point lier ses idées. Elle pense et elle pense bien, mais elle ne mettait point assez de temps à écrire, et même elle en avait une sorte de honte, comme on le voit dans sa vie. Cette fausse délicatesse peut bien avoir arrêté le progrès qu’elle cherchait et dont elle voulait se faire honneur.

Son Traité de la vieillesse m’a paru plus médité, plus plein. Les femmes y sont le principal objet de son attention ; en leur donnant une fort bonne recette contre les inconvénients de la vieillesse, elle a montré bien de l’indulgence pour leur printemps.

Les Réflexions sur les femmes, car Mme de Lambert a toujours été plus occupée d’elles que des hommes, sont une des meilleures choses qu’elle ait faites. On y trouve pourtant, ainsi que dans ses Réflexions sur le goût et sur les richesses, des répétitions importunes, et qui semblent témoigner disette, peu de mémoire ou beaucoup de négligence. Partout il y a une monotonie de style et même d’idées qui fatigue et déplaît. L’Allégorie de Psyché est peu de chose. Des quatre portraits qui suivent, ceux de MM. de Sacy et de Fontenelle sont assez finement dessinés. Ces deux auteurs avaient comme elle de l’esprit, de la délicatesse et peut-être un peu d’affectation et de raffinement. Le Dialogue entre Alexandre et Diogéne est assez philosophique et bien écrit. Dans les trois discours, les sujets ne sont guère qu’ébauchés, mais c’est l’ébauche d’une femme d’esprit qui a vu le monde. Il lui échappe quelquefois d’en inspirer le goût, lors même qu’elle veut conseiller la retraite.

Les lettres qui sont de Mme de Lambert sont bien tournées, écrites avec liberté et avec élégance. L’on y voit cette modestie de femme bel esprit qui ne veut pas être soupçonnée d’ambition-