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Vivre avec vous dans le temple des muses,
Lire vos vers et les voir applaudis,
Malgré l’enfer, le serpent et ses ruses,
Charmante Églé, voilà le paradis !

L’abbé de Bernis a de la naissance, de la figure, de la jeunesse et assez d’esprit. C’est beaucoup plus qu’il n’en faut pour être à la mode dans ce pays-ci. Autrefois les femmes avaient des fous, des singes, puis des nègres, et enfin des poëtes dans le goût de l’abbé de Bernis. La mode de ceux-ci commence à passer, et les géomètres commencent à régner aux toilettes. Les poésies de Bernis sont peu de choses. Piron prophétisa, en voyant ses premiers ouvrages, que l’abbé serait un printemps qui n’aurait point d’automne ; ce qui s’est parfaitement vérifié. Comme l’abbé de Bernis est entré très-jeune à l’Académie française, on a dit qu’il était assez cassé à trente ans pour mériter les Invalides. Nous donnons ce nom à l’Académie parce que les illustres qui la composent se reposent ordinairement après y avoir été reçus. Cela me rappelle un mot du prince Eugène. Il allait attaquer Lille ; on lui dit, pour l’en détourner, qu’elle était défendue par un maréchal de France : « J’aime bien mieux qu’elle soit défendue par un maréchal de France que par un homme qui aurait envie de le devenir. »


XIV

Les flatteurs ont donné d’abord à Mme du Bocage plus d’éloges que n’en mérite son Paradis terrestre. Voici un satirique qui le réduit à sa juste valeur :


    Sur cet essai, charmante du Bocage,
    Veux-tu savoir quel est mon sentiment ?
Je compte pour perdus, en lisant ton ouvrage.
Le paradis, mon temps, ta peine et mon argent.

— Je vous ai envoyé les vers de Voltaire à Mme la marquise de Pompadour. Le poëte Roy a adressé à cette occasion l’épigramme