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à Paris, et qui avait remporté un prix de poésie à Rouen, a donné une imitation de cet ouvrage sous le titre de Paradis terrestre[1]. Autant il y a d’intérêt, d’élévation, de chaleur, dans l’original, autant la copie est froide, rampante, ennuyeuse. L’auteur français a voulu éviter les défauts dans lesquels était tombé l’auteur anglais, et il n’a rendu aucune de ses beautés. C’est un barbouilleur qui a retouché au tableau d’un grand peintre. L’ouvrage de Mme du Bocage peut presque passer pour la parodie de celui de Milton. Son sexe a pourtant procuré quelques applaudissements passagers à son travail, et voici des vers qu’on a faits pour être mis à son portrait, qui est à la tête de quelques exemplaires de son poëme :


    Regarde et lis : si le portrait amuse,
      Intéresse, attendrit,
      Le poëme ravit.
Sous les traits d’une Grâce on a peint une Muse.

Comme cela est long, on a proposé de ne mettre que le petit vers suivant :


Est-ce une Grâce ? Est-ce une Muse ?


« Ni l’une ni l’autre, » a répondu un homme d’esprit à qui on a dit cela. Je finirai par un mot sur Mme du Bocage qui lui fait honneur. On parlait d’elle devant M. de Fontenelle qui dit : « Cette dame joue le bel esprit et ne me connaît pas ; j’en ai bonne opinion. » Vous voyez que c’est une critique des autres femmes qui ont des talents et qui cherchent à attirer chez elles les hommes célèbres, M. de Fontenelle en particulier.

Le Méchant, comédie de Gresset, a reçu moins d’applaudissements à la lecture qu’on ne lui en avait donné à la représentation. On trouve manqués aujourd’hui les caractères qu’on avait trouvés admirables sur le théâtre. Il a paru deux lettres sur cet ouvrage, qu’on peut dire parfaitement bien écrit : la première, qui est de M. Clément, est une critique superficielle, et la seconde, qui est de M. de La Font, un panégyrique ennuyeux.

  1. Le Paradis terrestre, poëme imité de Milton, par Mme du B… Londres, 1748, in-8.