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de Maupertuis sous ce titre l’Art de faire des garçons[1]. C’est un de ces livres infortunés qui sont enfantés par le libertinage, répandus dans le public par l’intérêt, dévorés par la curiosité, applaudis par la corruption. Il faut que l’auteur ait bien compté sur la corruption de ses lecteurs et sur leur amour pour les nouveautés, pour leur avoir présenté un titre aussi singulier qu’indécent. Ce n’est pas que ce titre soit propre à son ouvrage, puisque, dans les deux parties qui le composent, il n’y a qu’un seul chapitre qui y ait un rapport intime. Le reste, et ce reste est presque tout l’ouvrage, n’y est qu’accessoire. L’auteur, voulant couvrir la stérilité de son, sujet et peut-être plus encore celle de son esprit, remanie tous ces vieux systèmes que l’esprit humain, fécond en conjectures, a hasardés sur les voies mystérieuses de la génération. Comme ce fond est triste et sombre par lui-même, il y a semé, pour l’égayer, grand nombre de traits, qu’il a trouvés sans doute plaisants et galants. Mais ses plaisanteries sont maussades, ridicules et impertinentes ; ses galanteries sont fades, insipides et rebutantes. Il semble que la nature n’ait donné jusqu’ici qu’au seul Fontenelle le talent aimable de faire naître les roses de l’amour parmi les ronces et les épines de la physique. Encore bien des gens le lui ont reproché, fondés sur ce principe que la physique est assez belle de ses seuls attraits sans emprunter des agréments de l’esprit ; qu’elle est une prude trop austère pour badiner décemment avec les folâtres amours. Si la galanterie du charmant auteur des Mondes, qu’il a puisée dans un grand fonds de sentiments fins et délicats, qu’il a formée pour l’usage d’un monde choisi et poli, où il a toujours vécu, et qu’il a perfectionnée par le tour heureux de son brillant génie, dégénère quelquefois en fadeur, que penserons-nous d’une galanterie née dans la poussière des écoles ? Le chapitre où l’auteur prétend expliquer la cause du plaisir trahit et décèle les sentiments de son âme. On y voit un homme dont le cœur est tout pétri de tendresse, l’imagination nourrie de molles rêveries, et les sens pliés à l’habitude de la volupté. Ce sera sans doute par un principe de conscience que cet homme, galamment obscène, car il moralise quelquefois, aura peint la volupté toute nue, sans

  1. Par Coltelli, connu sous le nom de Procope Couteau. Montpellier, 1748, 2 vol. in-12. Ouvrage fréquemment réimprimé.