Page:Correspondance littéraire, philosophique et critique, éd. Garnier, tome 1.djvu/128

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

en Lorraine pour traiter le père du grand-duc d’aujourd’hui. Le succès de l’opération fut complet et la ville de Nancy, pour témoigner sa joie, présenta une bourse de jetons d’or au chirurgien. La Peyronnie refusa ce présent, il ne voulut recevoir que des jetons d’argent. Un homme si généreux a fait de sa fortune l’usage d’un bon citoyen ; il a laissé aux écoles de chirurgie de Paris et de Montpellier cinq ou six cent mille livres, qu’il devait à la reconnaissance de divers souverains qu’il avait guéris.

M. de Réaumur, si connu par son goût décidé pour l’histoire naturelle, lut un mémoire sur les fours à poulets. Notre bon roi Henri IV disait qu’il voulait mettre en état tous les paysans de son royaume de manger la poule tous les dimanches ; M. de Réaumur cherche à réaliser cette idée en multipliant la volaille. Voici ce qu’il a imaginé pour cela : 1° il y a en Égypte des fours où l’on fait éclore environ cinquante mille poulets par le moyen d’une certaine chaleur qu’on entretient sous les œufs qu’on fait couver ; 2° il est certain que cette manière est plus utile que la nôtre parce que, parmi nous, les poules occupées à couver des œufs ou à nourrir leurs petits ne pondent point ; 3° il n’y a pas assez d’œufs, dans nos villages d’Europe, pour en faire couver cinquante mille, et si on en fait couver beaucoup moins les frais du four se trouvent trop forts ; 4° il faut donc chercher une autre manière de faire couver, et M. de Réaumur l’a trouvée dans des fours de fumier qui ne sont pas d’une grande dépense ni difficiles à régir ; 5° pour déterminer le point de chaleur qu’il faut entretenir dans ces fours, M. de Réaumur a examiné avec un thermomètre le degré de chaud qu’il y a sous une poule quand elle couve ; mais comme le thermomètre serait embarrassant peut-être pour les régisseurs des fours, M. de Réaumur indique comment, avec du beurre, on peut s’assurer du degré de chaleur nécessaire pour les couvées ; 6° comme il ne suffit pas de faire naître des poulets et qu’il faut les nourrir, M. de Réaumur décharge les poules de ce soin afin qu’elles puissent s’occuper à pondre, et en charge les chapons, qui en conduisent cinquante ou soixante quand on les élève à cela. Le feu duc d’Orléans, régent du royaume, avait formé le projet de faire essayer les fours à poulets en France. Sa mort empêcha l’exécution de cette idée. Ce prince, avec ses