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VIII

La comédie italienne a donné une pièce de M. Panard, intitulée les Tableaux[1]. Cet auteur a occupé pendant longtemps avec succès le théâtre de l’Opéra-Comique. Depuis la suppression de ce spectacle que l’intérêt seul des comédiens français plutôt que l’intérêt de la raison et des bonnes mœurs a occasionnée, M. Panard s’est réfugié quelquefois chez les comédiens italiens, asile ordinaire des auteurs parodistes ou de ceux dont le génie est borné à un certain genre de comédie sans intrigue et sans intérêt. Les Tableaux sont de ce genre, et il n’est guère possible d’en donner une idée juste. La déesse de la peinture s’applaudit de ce que Mars ne lui fait aucun tort et de ce qu’elle voit, au contraire, que son art est plus goûté que jamais. Elle est consultée tour à tour par un de ses élèves, par la Miniature, par le génie de la musique, par une écolière de Terpsichore, par un peintre et par la Poésie. Tous ces personnages forment chacun une scène qui n’a nulle liaison avec celle qui la précède ou qui la suit, et c’est ce que nous appelons des scènes à tiroir ; chaque scène produit différents portraits. Voici celui que la Poésie fait de Paris.


Dans la même maison, souvent au même étage,
Des bourgeois de Paris j’admire l’assemblage :
Sur un palier commun on y voit, d’un côté,
La sévère Honesta qui du voile de prude
Pour en tirer profit s’est fait une habitude ;
Dans l’autre appartement réside une beauté
Qui, vivant des bienfaits d’un amant vieux et riche,
Sous le joug apparent d’une tante postiche,
Se donne insolemment des airs de qualité.
L’intérêt, au premier, nage dans l’opulence ;
La candeur, près du toit, languit dans l’indigence.

  1. Comédie en un acte et en vers, représentée le 18 septembre 1747.