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C’est Chloé elle-même : il craint de la réveiller : elle rêve et nomme en dormant son cher Daphnis. Enfin elle ouvre les yeux ; quel spectacle pour elle ! son amant à ses genoux ! mais leur bonheur est bientôt troublé, l’inflexible Drydas refuse d’écouter leurs vœux. Daphnis se plaint à Saphir qui, touché de la constance et de l’amour de Daphnis, lui promet de le rendre heureux. Drydas s’y oppose de nouveau et découvre le secret de la naissance de Chloé. Saphir la reconnaît pour sa fille au récit que Drydas lui fait, et à un bracelet qu’elle avait au bras lorsque l’inhumanité de son père la fit exposer pour la laisser périr afin que son fils fût l’unique héritier de ses richesses et de son rang. Daphnis perd de nouveau l’espérance de posséder Chloé. Saphir la lui refuse, Chloé en gémit et ne veut vivre que pour son berger. On éloigne Daphnis ; mais tandis que le père va rendre grâce aux dieux, Daphnis revient et trouve Chloé seule, qui déplore son sort. Ils se jurent l’un à l’autre un amour éternel, et, pour serrer leurs liens, ils vont en faire le serment sur l’autel de Pan, qui les a toujours protégés. Saphir avec son ami Agénor arrivent au moment où Daphnis et Chloé se donnent mutuellement la foi. La colère de Saphir veut éclater, mais Pan apparaît soudain et leur dit que ce mariage est approuvé des dieux, que Daphnis n’est pas ce qu’il paraît, et qu’il est fils d’Agénor. Chacun alors est content, et l’hymen des deux amants ne trouve plus d’obstacles.

La construction de ce poëme est vicieuse, les scènes mal filées, les fêtes mal amenées, les reconnaissances étranglées et manquées. En général la poésie est assez douce et assez lyrique, mais faible. Il serait à souhaiter que l’auteur eût d’autres Aristarques que ses Mécènes. Il est sous la protection de la femme d’un fermier général ; car c’est ici un air que l’on se donne d’avoir des auteurs à ses gages. Le bel esprit est si fort en vogue à Paris depuis quelque temps que la maison du plus petit financier est remplie d’académiciens ou d’aspirants à l’être. Cependant, malgré cette fureur, le financier n’en est pas moins sot et l’auteur moins pauvre. Le rôle de celui-ci est un vrai supplice. Il faut, s’il veut tenir, qu’il applaudisse aux maussades discours du maître et au mauvais goût de la maîtresse ; qu’il pense comme l’un et qu’il parle comme l’autre ; qu’il essuie les hauteurs de celui-là et les caprices de celle-ci ; qu’il