Page:Correspondance littéraire, philosophique et critique, éd. Garnier, tome 1.djvu/108

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

géants rentrera dans ses droits, et qu’à l’avenir le Sentiment et le Plaisir ne feront qu’un. Junon et l’Amour disent qu’il faut se conformer à l’arrêt du Destin et marier Aphos avec Hébé, ce qui termine la pièce. Cette pièce a reçu des éloges infinis. Nous n’aimons pas cependant les pièces allégoriques, et encore moins les dieux sur le théâtre de la comédie ; on les renvoie à l’Opéra. Cependant l’élégance, l’esprit, le feu, et l’espèce de jouissance du Plaisir, qui triomphe d’hébé, ont aussi triomphé de notre répugnance pour ce genre. Bien des spectateurs préfèrent l’École amoureuse à Aphos, mais ce ne sont pas les plus éclairés. Le sujet de l’École amoureuse est naturel et théâtral, le sujet d’Aphos est métaphysique et demande beaucoup d’attention ; il y a des gens que cette attention fatigue. Si l’École amoureuse a plus de succès aux représentations, ce qui n’est pas encore décidé, il est toujours certain que la lecture d’Aphos fera plus de plaisir.


VI

Vous connaissez les grâces touchantes et naturelles de Mme Deshoulières ; on vient d’imprimer un assez grand nombre de ses poésies qui n’avaient pas vu le jour ; on n’a pas donné tout ce qu’on a trouvé d’ouvrages posthumes, on a choisi, et, à ce qu’il me paraît, assez heureusement[1]. L’éditeur a accompagné son présent d’une vie de la dame, où vous ne trouverez que des faits ennuyeux et mal exprimés. S’il y a quelque chose de curieux dans cette préface historique, c’est l’aventure que je vais transcrire.

Mme Deshoulières étant allée voir une de ses amies à la campagne, on lui dit qu’un fantôme avait coutume de se promener toutes les nuits dans l’un des appartements du château, et que depuis bien du temps personne n’osait y habiter. Comme elle n’était ni superstitieuse, ni crédule, elle eut la curiosité,

  1. Œuvres complètes de Mme et Mlle Deshoulières. Nouvelle édition augmentée de leur èloge historique (par de Chambors). Paris, 1747, 2 vol. in-12.