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Ils débitent l’un et l’autre plusieurs épigrammes très-saillantes et conformes au sujet ; ensuite Junon dit à l’Amour qu’elle a éloigné Hébé des dieux, qui auraient pu la séduire, et qu’elle lui a donné du goût pour le Sentiment, auquel elle la veut unir. L’Amour rit du projet de Junon, en disant que le Sentiment ne suffit pas à une déesse jeune et jolie, et qu’elle connaîtra le Plaisir avant le Sentiment. Hébé ne tarde pas à paraître et à se plaindre de l’ennui que lui cause le Sentiment, qui paraît et est congédié sous quelque prétexte. Dans cet intervalle le Plaisir parait. Hébé, sans le connaître, veut le fuir, mais un charme secret l’arrête et la rend attentive à ses discours. La conversation du Plaisir est vive et piquante, celle du Sentiment est froide et languissante. Comment Hébé ne préférerait-elle pas l’un à l’autre ? le Plaisir s’aperçoit de sa conquête et presse Hébé de répondre à sa passion ; elle lui avoue qu’elle ne le hait point ; cela ne suffit pas au Plaisir, qui veut absolument lui baiser la main ; c’est le fruit défendu. Hébé, après bien des façons, accorde enfin cette faveur tant désirée par le Plaisir, qui quitte sa conquête sur-le-champ et fort brusquement. Hébé se désole et se repent d’avoir quitté le Sentiment, qui paraît alors. Dès qu’elle l’aperçoit, elle tâche de se remettre de son trouble et reçoit avec plein de tendresse l’amant qu’elle doit épouser par ordre de Junon. Le Sentiment, lui expose la crainte qu’il a de son inconstance, et dit qu’il a vu en songe un rival odieux qui lui baisait la main. Hébé demeure interdite d’abord, puis elle querelle le Sentiment de donner dans ces visions. Le Sentiment tâche de se justifier et paraît plus tendre que jamais. Hébé en est touchée, et le Sentiment sort pour presser Junon de ne plus retarder son bonheur. Le Plaisir reparaît alors ; nouvel embarras pour Hébé qui lui fait les plus vifs reproches. Le Plaisir n’a jamais tort, et il rebaise la main d’Hébé. Le Sentiment, qui a obtenu de Junon ce qu’il souhaitait, revient avec cette déesse et avec l’Amour qui doit les unir. Le Plaisir est aux genoux d’Hébé, jouissant de toute sa main. Junon et le Sentiment sont pétrifiés, l’Amour se moque de la crédulité de Junon. Cependant il offre de raccommoder le Sentiment et Hébé. Alors Mercure descend du ciel et apporte les ordres du Destin, qui a décidé qu’Aphos, qui était avant la révolte des Titans tout à la fois le dieu du sentiment et du plaisir, et qui avait été divisé en deux par les