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jours portée au mieux, et sa sagesse parfaitement instruite de ce mieux, lui eussent permis de choisir le moins bien en concurrence du meilleur. Newton et Clarke attaquèrent ce système ; ils prétendaient prouver que l’optimisme réglait Dieu comme un automate, et qu’il ne pouvait faire que le monde existant. Ils soutinrent qu’un monde serait plus parfait que celui qui existe. Leibnitz répondit à tout cela de son mieux, et le démêlé n’eut pas alors d’autres suites.

L’illustre Anglais, M. Pope, a renouvelé fortement et agréablement ce système dans son Essai sur l’homme. Ce grand poëte y soutient, quoique en termes couverts, que le monde est sorti des mains de Dieu tel qu’il est, que le désordre qui y règne est un ordre réel, que l’amour-propre, l’état d’innocence et le péché originel sont des chimères. Cet ouvrage que l’abbé du Resnel nous avait rendu en assez bons vers, était depuis longtemps sans scandale dans les mains de tout le monde, lorsqu’un écrivain enthousiaste est venu sonner l’alarme par trois lettres très-vives : la première est employée à développer la doctrine de Pope, et cela avec adresse ; la seconde à prouver la conformité de cette doctrine avec celle des plus fameux incrédules. Voltaire, Bayle, Spinosa, et, à peu de chose près, l’agresseur a encore raison en ce point ; la troisième devait avoir, ce semble, pour objet de combattre la doctrine attaquée : cela était difficile et on a mieux aimé se livrer à l’aigreur théologique. C’est mal servir sa cause que d’agir ainsi : « Qui se fâche, disait autrefois Voltaire, a l’air de n’avoir pas raison. »


V

Les comédiens français ont donné trois nouvelles pièces ; en voici l’idée :

Numa Pompilius avait fait croire aux Romains qu’il était en commerce avec la nymphe Égérie, et que cette déesse lui dictait les lois qu’il publiait. M. de Saint-Foix, auteur de deux petites pièces qui ont réussi, l’Oracle et les Grâces, a voulu mettre ce trait d’histoire en action et en faire une comédie en