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LA CROISIÈRE DE LA « REINE HORTENSE »

mière sur laquelle est écrit le nom pompeux de Post Office.

 

J’ai été obligé d’interrompre cette lettre pendant deux jours, ma chère petite fille, par un coup de vent qui a rudement éprouvé tout mon pauvre monde. Nous n’étions plus que trois à table ; c’était : La Roche-Poncié, d’Abrantès et moi. Tous mes ofiiciers étaient aussi malades, excepté Roca. La mer surtout était énorme. La Reine Hortense dansait comme si on eut joué au bilboquet avec. Enfin, aujourd’hui, il fait beau, et je reprends mon itinéraire à travers l′Écosse.

Nous quittâmes vite Balmoral plus pénétrés que jamais du mauvais goût des Anglais en général et de Queen Victoria en particulier, et nous rendant parfaitement compte que les gens de sa maison, les ministres, même ses enfants, n’aiment pas aller à Balmoral. À deux lieues de là on traverse un magnifique pays, des arbres séculaires, des prairies, des ruisseaux : c’est la propriété d’un monsieur Ferguson, le marquis de Carabas du pays. Nous arrivâmes à Bræmar, toujours à M. Ferguson. Il y a là un vieux château où les montagnards se réunissent en costume tous les ans au mois de septembre. De Bræmar, nous gravissons le col de Glenshee,[1] dans un pays excessivement sauvage ; nous faisons une partie de la route à pied et rencontrons des daims qui fuient à notre apparition, et des grouses, sortes de coqs de bruyère du pays, qui se laissent approcher et que nous essayons d’atteindre à coups de pierre, sans succès.

La route, pour descendre de l’autre côté du col, est aussi abrupte que celle qui y monte. Nous arrivons à

  1. Col de Glenshee, 40 kilomètres au sud-ouest de Balmoral.