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correspondance la roncière

présenter au Prince dans un assez simple appareil. Après avoir appris de sa bouche que la caisse n’était pas encore parvenue, nous nous remîmes en route et allâmes coucher à Aboyne, quatre lieues plus loin, passablement gelés et fatigués. Nous changions de voiture à chaque relais, et les voitures sont dans ce pays là si étroites, que le Prince et moi, qui nous placions au fond, ne pouvions plus, une fois assis, faire un seul mouvement.

À Aboyne, nous avons fait faire bon feu par une bonne vieille femme, type des vieilles servantes de Walter Scott, qui chaque fois qu’elle nous voyait rire, croyait que nous nous moquions d’elle et nous disait des choses désagréables dans un langage moitié gaélique, moitié anglais. À 2 heures et demie du matin, il faisait grand jour, nous nous couchâmes dans des lits où on eût pu se coucher en travers aussi bien qu’en long. À 7 heures, nous étions levés et nous déjeunions à l’anglaise. À 8 heures, fait route cette fois-ci dans un break que nous changeons à Ballater [1] contre une calèche découverte. À 10 heures et demie, nous sommes à Balmoral. Quelle déception ! Une réunion biscornue de maisons en mauvais gothique, surmontée d’un donjon tout semblable à celui de Vincennes, que l’on est en train de construire. Tout cela dans un fort vilain pays, avec des arbres rabougris, tous bouleaux ou sapins, un terrain rocailleux, pas de parc, une rivière qui coule sur des cailloux, des eaux toujours rougeâtres, parce qu’elles sont imprégnées de fer ; enfin, sur cette rivière, un seul pont qui est à une demi-lieue du château. Aux environs de tout cela, pas une maison, si ce n’est, à un quart de lieue, une petite chau-

  1. Ballater, 67 kilomètres à l’ouest d’Aberdeen.