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LA CROISIÈRE DE LA « REINE HORTENSE »

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Paris, 6 juin 1855.
Chère Enfant,

Hier, après la séance, je me suis aperçu qu’il était 5 h. 1/4 trop tard pour t’écrire ; je suis allé un instant au club, puis m’habiller pour dîner chez Mme de B. Nous étions neuf : le général de C. et sa femme, M. etMme Florimond d’Audiffret, un M. de T., Mme B. H., Mme de B., son fils le diplomate et moi. J’étais à côté de Mme de C. Elle est fille, je crois, d’un négociant, niais, comme elle est riche à millions, elle se croit de la première espèce du faubourg Saint-Germain. Je la déteste, d’intuition. Néanmoins, au milieu du dîner, après quelques phrases les plus banales de politesse d’usage, il m’est venu l’idée d’apprivoiser cette panthère de Java, et, soit habileté de ma part, soit bon vouloir de la sienne, au dessert elle en était à me faire des confidences sur l’intérieur de son ménage. Au café, j’aurais pu, j’en suis sûr, la faire me raconter les détails les plus intimes, et tout cela, cependant, dans les termes de la meilleure compagnie. C’est une femme d’esprit, qui a le travers d’un excessif orgueil. Quant à son mari, il est impossible d’être plus bête ; il est vrai qu’il ne serait pas général s’il avait de l’esprit.

M. d’Audiffret est receveur général à Nantes ; sa femme est une demoiselle Pasquier. M. et Mme Pasquier étaient amis intimes de mon père et de ma mère. Ils s’étaient connus et liés à Turin et avaient conservé des relations intimes jusqu’à la mort de Mme Pasquier, morte vers 1830.