Page:Correspondance intime de l'amiral de La Roncière Le Noury avec sa femme et sa fille, 1855-1871. T. 1,.djvu/46

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
xlvi
préface biographique

mais, jusqu’au dernier moment, je compterai sur une solution qui constituera pour nos braves marins la dernière récompense qu’ils ambitionnent.

Signé : de la Roncière Le Noury. »

Une demande faite en de pareils termes devait être accueillie. Elle le fut. Les marins quittèrent leurs forts dont aucun n’avait été réduit par la force et qu’ils auraient voulu défendre encore ; mais la vue odieuse des casques à pointe pénétrant dans ces remparts jusque-là inviolés leur fut épargnée.

Les élections eurent lieu le 8 février 1871. Les services rendus par la marine pendant le siège semblaient désigner son chef aux électeurs parisiens. L’amiral de La Roncière, en dépit des rancunes et des défiances qui déjà s’agitaient autour de son nom, aurait pu être élu dans la capitale qui lui donna spontanément un grand nombre de voix ; mais il ne se présenta pas. IL laissa ses deux lieutenants, les amiraux Saisset et Pothuau, remporter à sa place une victoire électorale qu′il redoutait pour lui-même. En effet, il se rendait parfaitement compte que la correction de son attitude pendant le siège n’empêcherait pas les passions, les haines, les ambitions, les espérances politiques qui insultaient à l’Empire tombé de se dresser contre lui ; et il ne lui plaisait pas de se laisser discuter par les ennemis du régime qu′il avait servi, ni de livrer à des polémiques électorales les sentiments qu’il n’affichait pas : souvenirs auxquels il demeurait fidèle, amitiés qu’il entendait ne pas renier.

Cependant il ne supportait pas la pensée qu’à cinquante-huit ans sa carrière fût finie ; et l’inconnu tragique où se débattait la France l’attirait, passionnait son patriotisme. Malgré son peu de sympathie pour le régime parlemen-