Page:Correspondance intime de l'amiral de La Roncière Le Noury avec sa femme et sa fille, 1855-1871. T. 1,.djvu/45

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préface biographique

son devoir l’appelait, s’intéressa aux misères de la ville affamée et incendiée avec une sollicitude qui ne s’interrompait que pour aller aux batteries, près des pièces, encourager les canonniers par son sang-froid au milieu du feu. Son courage, son dévouement et sa bonté le rendirent à ce moment-là aussi populaire auprès des civils qu’auprès des militaires.

Lorsque, le 28 janvier, furent connues les conditions de l’armistice, stipulant que tous les forts devaient être rendus à l’ennemi, la douleur qu’il éprouva lui dicta la lettre suivante, adressée au commandant en chef :

« Mon Général,

« D’après les termes reproduits ce matin au Journal Officiel, les forts de Paris doivent être occupés par l’armée allemande. J’ignore la forme qui doit présider à notre évacuation, mais permettez-moi d’insister auprès de vous pour que les plus grands adoucissements soient apportés aux sentiments si douloureux qu’en éprouvent nos marins. Puisque la cruelle nécessité leur en fait un devoir, ils sauront se résigner. Ils abandonneront, en courbant tristement la tête, des remparts qu’ils défendaient au nom de la patrie et où bien des leurs sont tombés bravement. Mais si les lois de la guerre ne s’y opposent pas absolument, permettez qu’ils se retirent avant l’arrivée du vainqueur.

« Je connais les sentiments de nos hommes ; plusieurs officiers sont venus me les expliquer hier en leur nom. Il n’a pas dépendu d’eux que leurs forts restassent inviolés. Faites qu’ils ne voient pas l’affreuse réalité, et veuillez ordonner que ces forts soient rendus par les autorités qui nous y ont reçus à notre arrivée, c’est-à-dire le commandant de place, les agents du génie et de l’artillerie.

« Votre cœur de soldat a déjà compris les sentiments que j’ai le devoir de vous exprimer. Je n’insisterai pas ;