Page:Correspondance intime de l'amiral de La Roncière Le Noury avec sa femme et sa fille, 1855-1871. T. 1,.djvu/40

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préface biographique

des vivres, des munitions, en mettant en position de combat les grands canons de marine qui arrivaient trop lentement à son gré.

Le 4 septembre, la révolution qu’il avait prévue éclata, en conséquence de la catastrophe de Sedan. Le 5, la princesse Marie-Clotilde quitta le Palais-Royal. Cette douce princesse, que sa piété, sa charité et sa bonté rendaient accessible aux plus humbles, n’abdiquait jamais sa dignité. Elle partit fièrement au grand jour, en voiture découverte, s’imposant à la foule, qui la salua respectueusement ; l’amiral de La Roncière était en face d’elle, en grand uniforme. Il demeura, gare de Lyon, avec sa fille, sur le quai du départ jusqu’à ce que le train fût parti. Le 6, il ordonnait à Mlle de La Roncière de sortir de Paris et il y restait, le cœur chaviré mais l′âme haute, tout à ses marins et à ses canons.

Ce que fut le siège de Paris, le sait-on encore ? Les noms des politiciens civils ou militaires qui y prirent part surnagent vaguement dans la mémoire de nos contemporains occupée par d’autres souvenirs ; mais les hommes de devoir qui, par leur héroïque acharnement à servir la France en dehors de la politique, ont rendu possible la résistance de l’énorme ville et retardé l’explosion de ses fureurs sont bien oubliés ; et je ne crois pas qu′il y ait beaucoup d’écoles où l’on parle aux enfants du rôle joué par la marine dans cette grande tragédie. Ce rôle fut cependant le premier ; et si la résistance de Paris mit un reflet de gloire sur l’agonie de 1871, c’est pour une grande part aux marins qu’on le doit. Quant à leur chef, il ne tint qu’à lui de devenir le maître dans la ville assiégée ; seul, son dégoût pour le gâchis révolutionnaire le convainquit de laisser continuer à d’autres les terribles responsabilités que son patriotisme lui aurait permis d’assumer. L’amiral ne s’aventura pas hors du terrain militaire, très considéré d’ailleurs par le général Trochu,