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préface biographique

impérial ; l’Europe entière, souverains en tête, et les représentants des nations les plus lointaines déferlaient sur la France ; c’était, dans un décor magnifique, une joie, une bombance, une kermesse mondiale.

Cependant l’orage grondait sourdement ; l’opposition ne désarmait pas ; l’erreur du Mexique, le triomphe de la Prusse à Sadowa, la question romaine enflammaient ses orateurs, alimentaient sa presse, ses revues, ses salons. Et l’autorité que l’Empereur, vieilli et déjà malade, abandonnait de plus en plus à des irresponsables ne résistait que mollement aux assauts des hommes de demain. Sur ce soleil de féerie des nuages passaient : insulte de Floquet au Tsar, coup de pistolet de Berezowski, arrivée, la veille de la distribution des récompenses, de la dépêche annonçant la mort tragique de Maximilien : et dans une loge des Variétés Bismarck, applaudissant bruyamment aux couplets du général Boum, se réjouissait de notre légèreté et de notre aveuglement.

L’amiral sentait l’avenir gros de menaces ; la guerre avec la Prusse lui apparaissait comme inévitable et extrêmement grave. Nommé vice-amiral le 4 mars 1868, il n’eut pas de commandement jusqu’en 1890. À la suite des événements de 1867 en Italie, la mauvaise intelligence entre les Tuileries et le Palais-Royal s’était singulièrement accentuée. L’Empereur avait eu, aux yeux de son cousin, le tort de répondre à l’appel du Pape, de renvoyer à Rome les troupes qu’il en avait fait revenir en 1866 et de faire écraser par elles les garibaldiens à Mentana, donnant ainsi à la politique italienne qu’on lui avait tant reprochée un désaveu chevaleresque qui excita la fureur de l’opposition radicale et souleva de l’autre côté des Alpes des colères et des rancunes dont s’inspira en 1870, lorsque nous sollicitâmes l’alliance de l’Italie, la prudence commandée au gouvernement de Victor-Emmanuel par nos premiers revers.