Page:Correspondance intime de l'amiral de La Roncière Le Noury avec sa femme et sa fille, 1855-1871. T. 1,.djvu/21

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préface biographique

Dans quelle escadre allait-on l’envoyer ? Sous quel amiral allait-il servir ? Homme de discipline, il savait obéir ; mais il avait des idées trop personnelles pour ne pas préférer de beaucoup commander ; et puis il était naturel que, arrivé près du soleil, il craignît d’en être éloigné. Bien lui en prit que le prince Napoléon voulût naviguer.

Le Prince, qui avait l’humeur voyageuse, s’intéressait aux recherches scientifiques et se complaisait à être pour certains savants comme pour certains littérateurs et certains philosophes une sorte de Mécène ; il souffrait, en outre, de n’être pas assez consulté en matière politique. Il songea à faire une longue croisière dans les mers arctique à explorer l’Islande, le Groenland, à revenir par la Norvège, choisit pour l’accompagner une petite élite de techniciens et sollicita l’agrément de l’Empereur. Celui-ci mit avec empressement un navire à sa disposition et agréa pour commander l’expédition le commandant de La Roncière. C’était combler ses vœux : tout lui souriait dans cette croisière, jusqu’aux dangers d′une navigation difficile et aux responsabilités qui allaient peser sur lui. Son esprit hardi et sa confiance en lui même, qui le poussaient aux initiatives rapides, le défendaient contre toute crainte d’insuccès et ne laissaient aucune ombre à la joie qu’il éprouvait de visiter des pays presque inexplorés et de parcourir des mers encore mal connues. Le 18 mai 1856 il prit le commandement de la corvette la Reine-Hortense que, devait accompagner le vapeur le Cocyte.

La fortune qui lui souriait au départ ne le trahit ni pendant le voyage ni au retour.

Après avoir parcouru en moins de quatre mois, le plus souvent au milieu des glaces, près de 13,000 milles marins, après avoir abordé l’Écosse, l’Islande, s’être approché de l’île de Jan-Mayen défendue par la banquise, avoir jeté l’ancre dans les fjords du Groënland,