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correspondance la roncière

distingué, et le géologue de la Commission nous ont fort intéressés. Nous avons passé là toute une journée, nous avons travaillé nous-mêmes à creuser la mine, et à arracher des blocs, soit avec la pioche, soit en les faisant sauter avec de la poudre.

Le jour suivant, le Prince y est encore retourné ; pour moi j’ai fait ce que je n’avais pas fait depuis bien longtemps ; j’ai fainéantisé. Il faisait un temps superbe, bien rare pour le Groënland : 12° de chaleur, et un beau soleil. Je suis allé avec Pisani et un des secrétaires du Prince, Chpiedski, me coucher sur la mousse au bord d’un torrent. Je suis resté là quatre heures à me « soleiller », comme disent les Provençaux, la tête hermétiquement enveloppée à cause des moustiques.

Je voulais rester à Arsut le temps juste nécessaire pour faire mon charbon et en partir par conséquent le vendredi matin 1er août ; d’autant plus qu’à ce mouillage on est à chaque instant menacé par d’immenses montagnes de glace que le vent et le courant font entrer dans la baie, et il faut être constamment prêt à lever l’ancre pour les éviter. Mais le 31 au soir, le temps s’est fait mauvais et, quoique le vent ne fût pas fort, à minuit je me suis trouvé échoué. Mon ancre n’avait pas tenu et j’ai été entraîné à terre. J’ai eu grand’peine à me tirer de là ; et j’ai trouvé enfin le lendemain matin un autre mouillage où j’ai tenu pendant tout un coup de vent qui a duré vingt-quatre heures et qui m’a donné pas mal d’inquiétude ; la Tasmania a manqué tomber sur la Reine Hortense ; et ne pouvait pas tenir. Le 2 au matin, le temps s′étant amélioré, je suis parti et j’ai quitté avec grand plaisir ce port inhospitalier, y laissant Taylor qui veut y passer l’hiver tout seul. Voilà bien une idée d’original anglais.