Page:Correspondance intime de l'amiral de La Roncière Le Noury avec sa femme et sa fille, 1855-1871. T. 1,.djvu/113

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
57
LA CROISIÈRE DE LA « REINE HORTENSE »

esquimau, et la brume aurait d’ailleurs empêché de me voir, Je tirais néanmoins des coups de canon tous les quarts d’heure. À deux heures du matin, le temps devenant plus mauvais, je me décidai à entrer dans une baie qui devait être dans le voisinage de Godthaab, et que j’avais trouvée en passant tout près de terre. Je ne savais où j’étais, et je trouvais la baie semée de rochers sur lesquels la mer se brisait J’avais beau tirer des coups de canon, je n’avais révélation de personne. Les terres étaient tout à fait désertes, ce n’étaient que des rochers. Enfin, dans un moment d’éclaircie, j’aperçois sur un îlot cinq ou six pierres superposées. Il était évident que des hommes avaient été là. Ce fut un grand soulagement pour moi. Je m’approchai de L′îlot ; et au moment où j’envoyais une embarcation voir s’il n’y avait pas là quelques habitants, l’homme de vigie nous criait de la hune qu’il voyait venir à nous deux singulières choses qui poussaient des cris. C′étaient deux Esquimaux, qui, ayant entendu les coups de canon, venaient s’offrir à nous piloter. Nous les hissâmes à bord et il se trouva que j’étais bien entré dans les passes de la baie de Godthaab, et que je devais me trouver très heureux d’avoir pu arriver jusque là sans pilote. Deux heures après nous étions mouillés.

Godthaab renferme six cents habitants dont trente ou quarante Danois. En peu d’instant, nous avons été envahis par les Esquimaux, hommes, femmes et enfants, que j’ai autorisés à monter à bord. Tout était nouveau pour eux. Il ne vient qu’un petit navire de commerce par an à Godthaab : une goélette, je crois, qui vient y prendre les quelques marchandises qui s’y produisent. Ces marchandises sont vendues pour le compte du gouvernement danois, qui a le monopole de ce commerce. Tu comprends