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correspondance la roncière

la voient quelquefois ; mais elle est très redoutée. J’ai néanmoins l’intention d’y aller, et au moment où je t’écris, je suis en route pour ce voyage.

Hier nous avons passé le cercle polaire arctique ; nous avons fait à bord une cérémonie comme celle qui se fait au passage de la Ligne. Cela a amusé l’équipage toute la journée. Nous avions invité notre remorqué lord Dufferin. Le soir nous avons été pris par la brume. J’ai néanmoins continué ma route, et à 2 heures du matin aujourd’hui, nous avons rencontré les premières glaces. Le thermomètre est à 2 degrés au-dessous de zéro. La brume est très épaisse et nous empêche de voir la banquise, qui doit être à moins d’une demi-lieue de nous ; ce qui nous le prouve, c’est que nous sommes entourés de beaucoup de phoques qui ne s’en éloignent jamais. Beaucoup de baleines passent aussi près de nous. Nous naviguons avec la plus grande précaution ; nous entrons dans les grandes difficultés ; malgré l’indication du thermomètre, le froid ne nous fait pas encore trop souffrir. Quelques-uns des passagers sont un peu effrayés, et se disent probablement : Qu’allais-je faire dans cette galère ? Mais il faut marcher ; il n’y a pas moyen de s’en aller. Le Prince est plein d’ardeur.

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Je reprends ma lettre, ma chère petite fille, bien contrarié. Je n’ai pas pu atteindre Jean Mayen. J’ai trouvé une barrière impénétrable de glaces. Je n’ai pu approcher qu’à 18 lieues du point problématique où les cartes placent l’île. J’aurais peut-être pu essayer de m’en approcher un peu plus ; mais un coup de vent s’est déclaré. La prudence m’ordonnait de m’éloigner. Je n’ai même pas pu voir l’île, qui est très élevée, car le temps n’a pas cessé d’être couvert et brumeux. J’ai acquis d’ailleurs la