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LA CROISIÈRE DE LA « REINE HORTENSE »

que j’avais connu chez l’amiral de la Susse.[1] Nous allons visiter de suite les sources qui produisent les jets d’eau. Ces jets sont très capricieux ; la principale source reste quelquefois vingt-quatre heures sans lancer d’eau, mais l′ eau qui est dans tous les cratères bout toujours à gros bouillons ; c’est excessivement curieux. Il y avait eu éruption le matin ; nous attendions en dînant, le Prince et moi, chez l’Anglais, le reste de la caravane en plein air. À la fin du dîner nous entendons comme des coups de canon. C’est le geyser qui annonce une éruption, mais elle est très faible. Nous nous couchons très fatigués, mais déterminés à nous lever si le geyser fonctionne. À deux heures du matin, il faisait beau soleil ; nous entendons de nouveau des explosions. Chacun met le nez hors de la tente. Nous voyons en effet s’élever une immense colonne d’eau bouillante à une hauteur de trente pieds environ. Il arrive quelquefois qu’elle s’élève jusqu’à cent vingt pieds. Nous nous recouchons et nous endormons plus ou moins. À six heures lever général ; les savants se livrent à toutes sortes de gymnastiques scientifiques sur ces phénomènes. Nous jetons dans un des cratères des quantités de mottes de gazon, qu’il rejette à une grande hauteur une demi-heure après. À neuf heures nous quittons le geyser par la pluie, qui cesse à moitié chemin, au lac où nous avions stationné la veille. Nous parvenons à y faire un grand feu, chose difficile, car il n’existe dans l′île qu’un seul arbre, qui est à Reykjavik, chez le gouverneur, et qui ajuste ma hauteur : c’est un sorbier. On brûle de la tourbe et des broussailles de bouleau nain qui n’atteignent que deux pieds de hauteur. Nous ar-

  1. L’amiral de La Susse, parent d’Adalbert de La Roncière, a été son véritable initiateur au métier de marin. Il commandait l’escadre de la Méditerranée avant la guerre de Crimée.