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fet une grande folie d’auoir donné ma parole et de m’estre obligé dans une indisposition telle que est la miene en un temps où j’aurois plus besoin de repos que de nouuelles fatigues, laisser et abandonner la paix et la douceur de ma petite maison[1], pour des choses imagineres lesquelles me succèderont peut-estre tout au rebours. Toute ces choses icy m’ont passé et passent tous les jours avec un milion d’autre plus poignãtes par l’entendement, et néanmoins je conclus tousiours d’une manière, c’est assauoir que je me partiray, que j’iray à la première commodité, et suis en même estat que si l’on me vouloit fendre par la moitié et me séparer en deux. Il est vray que j’ay grande volonté de mettre en effet ma promesse ; mais d’un autre costé je me trouve retenu et empesché de certains mal heurs qui semblent proprement qui me veillent empêcher d’acomplir mon desein. Mon misérable mal de carnosité n’est point guari, et j’ay poeur qu’il faudra retomber entre les mains des boureaux de chirurgiens devant que de me partir car de se acheminer par un long voyage et fâcheux auec telle maladie, se seroit aler chercher son malheur auec la chandelle. Je feray donc ce que il sera en ma puissance pour guarir et me partir. Du reste face dieu ce qui me doit ariver m’arivera.

Je ne vous escrirai d’autre pour maintenant, mais souuent je vous feray scavoir ma disposition

Votre très obligé seruiteur
Poussin


De Rome ce sisiesme de
Aust 1639.

  1. Sur la maison de Poussin à Rome (no 9, via Sixtina, selon la tradition), — ou plutôt ses maisons successives, — voir : Ph. de Chennevières, La peinture française, p. 116, et Emilia Pattison, L’art, 1882, p. 121.