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tité, la forme consiste dans les lignes et dans les couleurs. L’ordre et l’intervalle des parties ne suffisent pas, ni que tous les membres du corps aient leur place naturelle, s’il ne s’y joint le mode, qui donne à chaque membre la grandeur qui lui est due, proportionnée au corps, et si l’espèce n’y concourt pas, en sorte que les lignes soient faites avec grâce, et dans un doux accord de la lumière voisine de l’ombre. Et de tout cela, il est manifeste que la beauté est en tout éloignée de la matière du corps, dont elle ne s’approche que si elle y est disposée par des préparations incorporelles. Et l’on conclut ainsi que la Peinture n’est autre qu’une idée des choses incorporelles, et que si elle montre les corps, elle n’en représente seulement que l’ordre, et le mode de l’espèce des choses ; qu’elle est plus attentive à l’idée du beau qu’à toute autre : d’où certains ont voulu qu’elle seule fut le signe et presque la marque de tous les bons Peintres, et que la peinture fut l’amante de la Beauté et la reine de l’Art.

De la Nouveauté.

La nouveauté dans la Peinture ne consiste pas surtout dans un sujet non encore vu, mais dans la bonne et nouvelle disposition et expression, et de commun et vieux le sujet devient original et neuf[1]. C’est ce qu’il faut dire de la Communion de Saint Jérome du Dominiquin, en laquelle les expressions et les mouvements sont également différents de l’autre invention d’Annibal Carrache[2].

  1. Poussin n’aime pas copier ses œuvres (p. 115). Sur l’originalité de la seconde série des Sacrements, voir p. 268, lignes 19 à 21.
  2. La première est actuellement à la Pinacothèque du Vati-