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décor de l’histoire, parcourant d’un pinceau rapide les choses grandes et magnifiques, pour négliger les détails vulgaires et de peu de poids[1]. D’où il convient que le peintre ait non seulement l’art de découvrir la matière, mais encore le bon sens de la connaître, et qu’il la doive choisir capable par nature de tout ornement et de la perfection[2] ; mais ceux qui choisissent des sujets bas, s’y réfugient par l’infirmité de leur esprit et devraient mépriser la vilenie et la bassesse des sujets pour lesquels toutes les ressources de l’art sont inutiles. Quant à la pensée[3], c’est une faculté de l’esprit, qui se va fatiguant à l’entour des choses : telle fut la pensée d’Homère et de Phidias dans le Jupiter Olympien, qui d’un signe ébranle l’univers. Que le dessin soit tel que les choses dont il exprime la pensée. Que la structure ou composition ne soit point recherchée avec peine, ni sollicitée, ni fatiguée, ni pénible, mais semblable au naturel. Le style est une manière personnelle, une habileté à peindre et à dessiner née du génie particulier de chacun ; dans l’application et dans l’emploi de l’idée, le style, la manière ou le goût tiennent de la nature et du tempérament.

De l’Idée de Beauté.

L’idée de Beauté ne descend dans la matière que si elle y est préparée le plus possible. Cette préparation consiste en trois choses : dans l’ordre, dans le mode, et dans l’espèce ou vraie forme. L’ordre signifie l’intervalle des parties, le mode a trait à la quan-

  1. Voir les plaintes sur les « bagatelles », p. 131.
  2. Voir p. 463, lignes 8 et 11.
  3. Voir p. 376