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Le premier est présentement dans le cabinet du chevalier de Lorraine[1], et l’autre dans celui de Mr de Boisfranc[2]. Lors que le Poussin envoya celui du sieur Stella, il lui écrivit le soin qu’il avoit pris à le bien faire.

« Je l’ai peint, dit-il, de la manière que vous verrez, d’autant que le sujet est de soi mol, à la différence de celui de M. de la Vrillière[3], qui est d’une manière plus sévère, comme il est raisonnable, considérant le sujet qui est héroïque. »

Le Poussin avoit de grands égards à traiter différemment tous les sujets qu’il représentoit, non seulement par les différentes expressions, mais encore par les diverses manières de peindre les unes plus délicates, les autres plus fortes. C’est pourquoi il étoit bien aise qu’on connût dans ses ouvrages le soin qu’il prenoit. Aussi dans la même Lettre, en parlant au Sieur Stella du Tableau de la Manne[4], qui est aujourd’hui dans le Cabinet du Roi, et auquel il travailloit alors :

« J’ai trouvé, dit-il, une certaine distribution pour

  1. Joachim de Seiglière de Boisfranc, conseiller du Roi, surintendant de la maison de Monsieur. M. Bonnaffé (p. 28) dit qu’il possédait deux tableaux de Poussin : Renaud emportant Armide et l’Adoration des Mages (au Louvre, no 423).
  2. Philippe, dit le Chevalier de Lorraine, favori de Monsieur ; personnage équivoque, mais qui se connaissait en tableaux et possédait plusieurs Poussin (le Passage de la mer Rouge, le Veau d’or, un Paysage avec un grand chemin, Pan et Syrinx peint pour La Fleur).
  3. Louis Phélypeaux, duc de la Vrillière (1599-1681), secrétaire d’État. Il « aimoit extrêmement la peinture et a laissé un cabinet où l’on voit un grand nombre d’excellents tableaux » (Sauval). Poussin peignit pour lui Camille et le maître d’école (au Louvre, no 436).
  4. Les Israélites recueillant la manne (au Louvre, no 420. Poussin l’envoya à Chantelou en avril 1639.